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 Le Bâtard

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AuteurMessage
Marvin
Mécharachnide
Mécharachnide
Marvin


Messages : 1373
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Le Bâtard  Empty
MessageSujet: Le Bâtard    Le Bâtard  I_icon_minitimeLun 23 Déc - 0:18

Une histoire est terminée, une autre commence.
Ne voulant pas quitter si tôt l'univers de Majora's Mask je me suis cette fois permis d'imaginer le passé du monde de Termina, et donc la jeunesse du sorcier Majora. En voici la première partie. Enjoy the reading!  Smile 

  J'entends le vent qui souffle autour de moi. Parfois je sens sa morsure. Parfois je ne la sens pas. Le froid me ronge. Cela fait si longtemps que je suis là, perdue dans la brume... Une torpeur m'envahit. Je ne m'assoupirai pas. La morsure reviendra avant que je ne puisse rêver. Car la réponse est dans mes rêves...

  Je fus frappée par la pluie. Ce n'était pas de l'eau mais ses larmes. Des larmes de fer. Chaque goutte laissa une traînée rouge sur ma chaire. Elles s'estompèrent vite. Ma peau redevint blanche. Une peau de nacre et des cheveux d'ébène... C'était ce qui l'avait séduit, la première fois. Un frisson parcouru mon corps. Je voulu me blottir mais mes propres mains me firent du mal. Elles étaient plus froides encore que la pluie. Quand j'étais petite ma mère me racontait souvent une histoire. Une histoire horrible, qui me faisait très peur. Elle me la racontait quand je n'avais pas été sage. Ma mère me disait que ce n'était pas un conte, mais que ces événements c'étaient réellement passés, alors qu'elle avait mon âge. Je la croyais. Je n'avais pas de raison de ne pas la croire. Puis j'ai oublié. Et j'ai été punie.

  Je me retourne. Le masque m'enserre. J'aurais tellement voulu refermer mes yeux. J'aurais tellement voulu pleurer. On ne pleure pas lorsqu'on a les yeux ouverts. Les larmes s'en vont avec le vent. Le froid les assèche. Le froid ne laisse rien qu'une coque vide. Mais moi je reste ici... Il a besoin de moi. Sans moi il ne peut exister. Alors il me garde. Mais peut-être qu'un jour...

  Une rafale plus forte que les autres me poussa à fermer mes yeux. La douleur fut atroce. Le masque déchira mes paupières. Je voulu résister. Garder les yeux fermés. Mais la douleur était trop forte. Je les rouvris. Une larme coula. Se fut la seule cette fois-ci. Le désespoir revint. Je voulu me consoler, en me racontant une histoire. Mais une seule me revenait. Le conte de ma mère. Je ne voulais pas m'en souvenir. Mais il était là, seul, devant moi, comme une lumière. Une lumière malfaisante qui ne me ferait que du mal. Mais j'étais si seule...

  C'était à l'Est de notre monde, dans une contrée isolée par d'immenses chaînes de montagnes, d'impénétrables forêts et de vastes océans. C'était il y a longtemps, on ne sait plus vraiment quand. Dans la contrée il y avait une cité. C'était un cité paisible bâtie autour d'un clocher. Un matin on trouva un enfant aux pieds du clocher. C'était un petit garçon à peine sevré, abominablement maigre. Ses cheveux étaient plus noirs que l'ébène, et ses pupilles plus noires encore s'il était possible de l'être. Mais ce qu'on remarqua surtout, c'était que son corps était entièrement tatoué d'étranges symboles. On se demanda s'il fallait garder l'enfant ou le livrer aux loups, s'il fallait l'honorer comme un dieu ou le brûler comme un démon. Après de longs débats, le roi qui avait déjà un fils jugea qu'il fallait mieux l'adopter et l'élever comme n'importe quel autre enfant. C'est ainsi qu'il fit le serment de le conduire jusqu'à l'âge adulte comme il le ferait pour son propre fils.
La vie reprit alors dans la cité comme si rien ne s'était passé. Mais très vite on se rendit compte que l'enfant du clocher, car on ne se souvient plus aujourd'hui de son nom, n'était pas comme les autres. Il ne jouait pas, ne parlait presque pas. Lorsqu'il rejoignait les enfants de son âge, ceux-ci l'oubliaient aussitôt qu'il était arrivé et, comme il ne se plaignait pas, ils ne s'en souciaient pas. L'enfant du clocher retournait alors se recroqueviller dans son coin. Et lorsqu'un adulte venait lui demander pourquoi il ne jouait pas avec les autres, il répondait qu'il ne fallait pas leur en vouloir, que s'ils ne jouaient pas avec lui c'était parce qu'ils ne savait pas rire et que c'était de sa faute.
Les années passèrent sans que rien ne changea. Et pourtant l'aîné du roi commença à se méfier de l'enfant du clocher. Il ne parlait jamais, ne les rejoignait jamais lui et les autres enfants, mais c'était justement ce vide qu'il créait qui le rendait omniprésent, écrasant. La méfiance se transforma en mépris. Le mépris se transforma en haine. Et bien que personne ne pensait à lui, l'aîné du roi était persuadé que l'enfant du clocher lui volait l'amitié des autres, et que plus tard il lui volerait sa couronne...
Ce fut le jour de ses dix ans que l'enfant du clocher rencontra son destin. Une petite fête fut organisée pour la première décennie du cadet du roi. L'enfant du clocher savait qu'il fallait être heureux pour cette fête alors il se confectionna un masque rieur dont il se para. Les autres enfants se moquèrent d'abord car il fallait être bien bête pour pleurer le jour de son anniversaire, et avoir besoin d'un masque pour rire. Puis ils l'oublièrent comme ils le faisaient toujours. L'enfant du clocher, malgré qu'il fut déçu que son masque ne change pas la vision que les autres avaient de lui, chercha tout de même à prendre part à la fête. Mettant de côté sa timidité, il alla vers le groupe et, pour la première fois, demanda aux autres enfants s'il pouvait jouer avec eux. Après un instant de stupéfaction, les rires éclatèrent plus forts encore que pour le masque. L'aîné du roi s'avança. « Pourquoi devrions-nous t'accepter parmi nous, demanda-t-il d'un ton méprisant. Tu n'es jamais venu et tu as bien fait. Regarde-toi. Tu n'es pas comme nous. Nous sommes tous des être humains, qui aimons rire et aimer. Toi tu n'es qu'un démon sans cœur et sans âme, incapable de ressentir quoi que ce soit. Tu veux une preuve ? Regarde ! Tu ne pleures même pas derrière ton masque ridicule, alors que tu le devrais. Si tu veux vraiment jouer avec nous pleure. Prouve nous que tu es un homme. » Sur ces mots, l'aîné du roi arracha le masque du visage de son frère et le roua de coups. Les autres enfants, hilares, encouragèrent leur meneur, l'applaudissant, sautillant, crachant, pariant, commentant. « Pleure ! » « Pleure ! » « Pleure ! » « Pleure si t'es un homme ! » « C'est normal qu'il pleure pas c'est pas un homme ça c'est un démon ! » « Un type qu'a une peau comme ça non c'est pas possible que ce soit un homme c'est pas possible ! » L'enfant du clocher, beaucoup plus frêle que son frère, n'arrivait qu'à maladroitement parer certains de ses coups. Le roi fini par arriver après avoir entendu les cris des enfants. Il sépara ses fils, mais, alors qu'il allait demander ce qu'il s'était passé, son cadet s'échappa le plus vite qu'il le pu dans les ruelles de la cité. C'est donc l'aîné qui pu expliquer les événements à son père, en ne se privant pas d'accuser son frère de sorcellerie. Le roi, qui connaissait ses enfants, ne cru qu'à moitié ce discours haineux, mais il n'en dit rien. La nuit commençait à tomber, les familles rentrèrent et se laissèrent prendre par le sommeil. Mais dans les recoins les plus sombres de la cité courait encore l'enfant du clocher.
Que fit-il ? Personne ne le su jamais. Mais cette nuit-la des choses terribles de passèrent. Les étoiles se mirent à scintiller plus qu'à l'accoutumée, jusqu'à recouvrir la cité d'un voile de lumière blanche. Les regards se tournèrent vers la Lune. L'astre avait grossi de manière inquiétante. Et ceux qui le scrutaient attentivement crurent discerner un sourire moqueur. On s'interrogea, on s'inquiéta, on pria. Puis des cris inhumains avaient résonné. On releva la tête vers les étoiles. Ce n'étaient pas elles qui criaient. Les hurlements venaient des chambres. On s'y précipita. On y trouva les enfants, pris de convulsions, les traits atrocement défigurés par la douleur. De violentes secousses les projetaient à terre. Leurs doigts grattaient les planchers comme, pour les déchirer, comme pour s'échapper. Leurs cris finirent par être noyés dans l'écume qui s'écoulait de leurs bouches. Les adultes, médusés, n'osèrent rien faire d'autre que de prier.
L'aube finit par pointer. Les étoiles commencèrent à s'éteindre. Une mère se rendit compte, entre deux sanglots, que son fils avait arrêté de hurler. Une autre mère fit le même constat. Puis un père. Le silence s'abattit sur la cité. Le temps semblait s'être arrêté lorsque tout à coup, les enfants ouvrirent les lèvres. Ils parlèrent tous de concert, comme s'ils n'avaient été qu'une seule personne. Ils accusèrent celui qui s'était joué d'eux. Ils dénoncèrent celui qui leur avait volé leurs rêves. Ils murmurèrent le nom de l'enfant du clocher. Puis ils laissèrent échapper un soupir d'agonie, et tous moururent, les yeux révulsés.
Les larmes avaient coulé toute la nuit. On ne pleura plus. On pris les enfants qu'on habilla de linges blancs. Puis on alla au clocher pour les y déposer. Là, debout, hébété, se tenait le seul enfant qui n'était pas mort. « Tu ne pouvais être qu'un démon » furent les seuls mots que prononça son père à sa vue. Et aucun autre mot ne fut ajouté ce jour là. Les gardes se saisirent de l'enfant et l'enfermèrent dans une chambre sans lumière. Au bout d'une semaine il en fut tiré et amené sur la place publique. Le roi renia son fils et lui retira le moindre de ses biens. Ses vêtements lui furent arrachés, puis on le traîna hors de la cité. Devant la porte de l'Est, comme la tradition le voulait, on lui rasa le crâne et de l'eau lui fut jeté, afin de lui retirer jusqu'à son nom. À partir de ce moment il ne fut plus que le bâtard. Celui à qui il était interdit d'avoir un nom. À partir de ce moment il ne fut plus que Majora. Il reçut l'ordre de marcher vers l'Est et de ne jamais revenir. Ce furent les derniers mots qu'il entendit de son père.


  Mes paupières se tendirent. La fatigue revenait, m'assommait. Elle repartirait, bientôt. Puis elle reviendrait, forcément. De toute manière c'était là que s'arrêtait le conte de ma mère. Mais pourquoi, alors qu'elle avait voulu me protéger, ne m'avait-elle jamais dit que le bâtard reviendrait ? Je poussais un soupir...

  Dans les brumes le temps ne s'écoule pas. On ne se déplace pas, on ne vieillit pas. On ne vit pas. On ne fait que stagner. C'est comme si on était plongé dans l'eau et qu'on s'était noyé. Et pourtant on ne meurt pas. On reste et on regarde. Je me demande parfois si les autres rêvent dans les brumes... Mais les autres y ont-ils déjà été plongés ? Probablement pas... Je suis seule, avec mes souvenirs. Mes souvenirs sont très clairs. C'est si étrange... Le temps s'étant arrêté, il n'existe plus. Et on se souvient d'absolument tout. Sauf d'une seule chose. La chose la plus importante. La seule qui importe. Je relève le miroir que le bâtard m'a donné. Le reflet ne me renvoie que l'image de ce masque hideux. Ce masque qui m'a volé mon visage. Ce masque qui m'a volé mon nom...

  Je suis née près de dix ans après les événements. Mon enfance se déroula sans que je n'entendis jamais parler de Majora, si ce n'était dans le conte de ma mère. On pleura les enfants qui étaient morts, la génération volée. Je me souviens de notre chorale, lorsque nous, la nouvelle génération, chantions pour l'ancienne. Puis on l'oublia, et on oublia le bâtard.
La première fois que je le rencontrais, c'était un matin assez gris. J'avais dix-neuf ans, j'étais considérée comme l'une des plus belles jeunes filles de la cité. J'allais au lavoir lorsque je vis un paquet abandonné aux pieds du clocher. Je l'ai ramassé. Je cru d'abord tenir un bébé, mais dans les draps c'était un masque qui avait été enveloppé. Un masque rieur qui avait été lacéré. Le visage était si réaliste que j'en eu des frissons. Je n'avais jamais été aussi troublée. Je m'étais demandé qui avait pu faire une chose aussi horrible. Je voulu d'abord jeter le masque, mais quelque chose m'empêcha de détourner le regard de cette face torturée. Irrésistiblement elle m'appelait cette face, jusqu'à ce que je la porte à mon propre visage. C'est alors que j'entendis des murmures. Des murmures qui m'appelaient, me suppliaient de venir. Je les ai écouté. J'ai poussé les lourdes portes du clocher, et je suis descendue dans les ombres.
C'est là qu'il m'attendait, assis au bord de l'eau. Il semblait scruter le courant à la recherche de quelque chose. Je restais en bas des escaliers. Après un instant il tourna lentement la tête vers moi. Son regard était blanc et vide . Il se leva sans un bruit et s'avança vers moi. C'était un homme de près de deux mètres, beaucoup plus grand que n'importe lequel des garçons de la cité. Pour ma part, je lui arrivais à peine à la poitrine. Sur sa peau noire couraient des milliers de dessins. Malgré l'obscurité j'en distinguais quelques uns. Il y avait des serpents, et d'autres symboles que je ne comprenais pas. Il apporta ma main tremblante jusqu'à lui. Je pus caresser ses côtes. Il était squelettique. C'est à cet instant que je compris qui il était. J'ouvris la bouche mais il posa un doigt sur mes lèvres. « Ceci m'appartient, dit-il d'une voix douce en me retirant le masque.
-Je suis désolée, murmurais-je terrorisée.
-Vous n'avez pas à l'être. Je l'avais fait pour mon anniversaire. Vous me le rapportez pour mon anniversaire. Il parcouru mon visage de sa main. Ses doigts étaient comme des pattes d'araignées.
-Je... Je vais... Je dois m'en aller, m'exclamais-je tout à coup en reculant vers la sortie.
-Je le sais. Revenez. Je vous attendrai. Je vous attendrai au bord de l'eau. »
Sur ces mots il retourna à la source et s'y plongea. Son corps disparu dans les ténèbres. Moi j'étais tétanisée. Et ce n'est qu'après de longues minutes qu'une impulsion me fit courir vers les portes du clocher.

  Je me demande pourquoi j'ai voulu le connaître davantage. Ma mère m'en avait déjà tant parlé... Mais lorsque je le voyais, cet homme seul dans le noir, je ne pouvais m'empêcher de voir l'enfant du clocher. Je ne pensais plus au bâtard...

  Une convulsion secoua mon corps. Mes bras s'agitèrent comme ceux d'un pantin désarticulé. Ma cage thoracique sembla imploser. Puis je fus violemment relâchée dans la brume. Je repris haleine et, lentement, un sourire amère se dessina sur mes lèvres. Il avait tenté de rentrer en moi. Mais il n'y arrivait toujours pas. Le sourire se transforma en moue enfantine. Un jour il y arriverait. Mais pour l'heure mes rêves m'appartenaient encore. Il pouvait m'empêcher de les voir. Mais il ne pouvait pas me les voler.

  Je revins vers lui. J'étais naïve. Je croyais qu'il ne pourrait rien me faire. En fait je suis retournée au clocher le soir même. Comme personne ne me regardait j'ai pu pousser les portes. Après les avoir fermées je suis restée quelques instants appuyée sur les battants, à me demander si je faisais bien. Puis je me suis retournée. Je l'ai vu au bord de l'eau, et je n'ai plus hésité.
Je me suis assise auprès de lui. J'ai approché mon pied du courant. J'eus un sursaut. La source était glacée. Je l'ai regardé avec de grands yeux, comme s'il m'avait menti. Il sourit. Il me prit la main et se glissa dans l'eau. Elle n'était pas très profonde, elle lui arrivait à la taille. Il ne m'avait pas lâchée. Toujours en souriant, il m'invita à le rejoindre. Doucement, j'approchais. Il me tira à lui et je poussais un petit cri de surprise. J'étais trempée, j'avais terriblement froid. Je grelottais auprès de lui. Il me pris contre son corps. Je me blotti. Nous restâmes de longues minutes, à respirer l'un contre l'autre. Puis nous plongeâmes.
Je cru d'abord que j'allais me noyer. Mais il m'enserrait et m'empêchait de me débattre. Alors je cru que j'allais mourir. Il me dit de me calmer, qu'il n'y avait rien à craindre. Sa voix était claire comme la source. Alors je le cru. Et j'ai compris qu'il ne pouvait rien m'arriver tant que j'étais avec lui. Une mélodie vint jusqu'à moi. C'était une mélodie très apaisante, apportée par le courant. Elle finit par repartir. Mais je n'avais plus aucune envie de quitter la source. « Vous êtes Majora, n'est-ce pas ? Vous êtes le bâtard ?
-As-tu peur de moi ?
-J'ai toujours eu pitié de vous... Mais aujourd'hui... J'aimerais tellement vous connaître davantage.
-Et que voudrais-tu donc savoir sur moi que tu ne sais déjà ?
-Je voudrais savoir ce que vous ressentez. Oublier ce que les autres pensent. Et ne plus connaître que votre pensée, à vous.
-Je... Il soupira et regarda vers la surface. Elle paraissait si loin... Cette source est le commencement de tout, reprit-il en me caressant le visage. Le savais-tu ? Je dis non de la tête. Vous ne vous en souvenez plus, mais c'est pour cela que les hommes ont battit le clocher, pour honorer la source. Mais aussi pour la cacher. Car la source a créé la vie, mais aussi la mort.
-Que veux-tu me faire comprendre ?
-Plus encore que pour vous la source est ma mère. J'incarne sa puissance et sa grandeur. On me voit impur mais je suis en vérité aussi clair que la source.
-Êtes-vous né de l'eau ?
-Je ne crois pas. Je pense qu'enfant, pour une raison ou une autre, on a cherché à me faire disparaître dans la source. Mais elle m'a sauvé. C'est elle en quelque sorte qui m'a donné la vie... Alors oui, tu as raison. Je pense pouvoir dire être né de l'eau...
-Mais pourquoi est-ce que vos propres parents auraient-ils voulu vous faire disparaître ?
-Je ne sais pas. Peut-être qu'ils ne voulaient pas de moi, ou qu'ils avaient peur... »
Une larme coula sur sa joue. Elle y resta accrochée quelques instants, comme une perle. Puis elle repartit avec la source.
« Je me suis toujours demandé... J'hésitais à lui poser cette question. Est-ce vrai, ce que les autres disent ? Est-ce vrai que tu as... Volé les rêves des enfants ?
-Oui. Son visage se durcit et il me regarda droit dans les yeux. Les enfants étaient cruels avec moi. Ils le méritaient.
-Mais cette mort... Cette folie... C'est atroce ! Je m'écartais imperceptiblement de lui. Pourquoi te venger de cette manière ?
-Parce que les enfants sont des menteurs. Ils ont dits du mal de moi, ont introduit la graine de la peur dans les cœurs de leurs familles. Pour me détruire ils ont menti à leurs familles et pour ne pas se détruire ils se sont mentis à eux-mêmes. On ne peut pas lutter contre le mensonge, tu sais pourquoi ? Parce qu'un mensonge répété devient une vérité. Mais il y a un endroit où la réalité reprend ses droits. Un endroit où les enfants baissent leurs gardes. Où ils sont impuissants, fragiles. Où ils se croient en sécurité. Et cet endroit c'est le rêve. Si je voulais la justice, il fallait que je leur reprenne leurs rêves.
-Mais ne pouviez-vous pas juste les leur prendre ?! Ne pouviez-vous pas juste prouver votre innocence ?! »
Il ne répondit pas et se saisit violemment de ma tête. Il plaqua son front contre le mien. Les serpents qui couraient sur ses bras s'animèrent, passèrent de sa peau à la mienne. Je me senti suffoquer, et je perdis connaissance.

  Ce fut la première fois qu'il rentra dans mon esprit. Mais c'était alors pour me faire revivre ce que lui-même avait vécu. Je su ce qu'il c'était réellement passé.
Il retourna là où on l'avait trouvé il y avait dix ans de cela. Personne ne rentrant jamais dans le clocher il s'y cacha, enveloppé dans l'obscurité. Il tremblait. Il avait froid. Il avait peur. Il voulait pleurer. Mais il n'y arrivait pas. Son instinct lui dictait d'aller à la source et de s'y plonger. Il le fit. Une torpeur mortelle envahit son corps. Petit à petit les dessins qui recouvraient sa peau s'animèrent. Les formes serpentines glissèrent lentement le long de ses côtes et s'unirent sans jamais s'arrêter de tourner. Comme il était plongé dans l'onde il plongea dans le rêve. Dans le rêve il se retrouva seul. Puis vinrent des enfants. Dans le rêve il jouèrent ensemble. Puis il se rendit compte que, dans le rêve, ce n'était pas lui qui voulait jouer avec les enfants, mais les enfants qui voulaient jouer avec lui. Alors il rejeta les enfants, les poussa loin de lui, dans les ombres. Les enfants hurlèrent, le supplièrent de jouer avec lui. Mais dans le rêve il avait le droit de refuser. Il les plongea dans les flammes. Leur douleur n'était rien comparée à la sienne. Alors le rêve éclata. Il se fit horreur. Comment de telles pensées avaient-elles pu germer dans son esprit, lui qui n'avait jamais fait de mal à personne ? Il voulut hurler mais l'eau lui rentra dans la bouche. Il se précipita hors de la source, vers la porte du clocher. La lumière l'aveugla. Il ne la supportait plus. Il appartenait aux ombres...
C'est à cet instant que je compris que nos destins étaient liés, que son parcours deviendrait le mien. Que son parcours était le mien. Je l'entend rire dans le lointain. C'est un rire faux. Les brumes me cachent le monde mais je sais ce qu'il fait. Toute sa haine il la libère contre la cité. Il torture ceux qui l'ont chassé. Le hurlement d'un enfant monte jusqu'à moi. Je me demande s'il les fait souffrir autant que moi. Si c'est impossible. Ou si c'est encore pire...


  Je me suis réveillée devant les portes du clocher. Il faisait gris et sombre. Il devait être midi mais la rue était vide. Une pluie glaciale avait dissuadé les habitants de sortir de chez eux. Je me sentais très mal. Je tremblais et j'avais la nausée. Je voulu me réchauffer mais ma robe trempée ne faisait que coller à ma chaire. Je voulu me relever mais mes jambes ployèrent. J'étais épuisée. Je soufflais quelques instants, puis me soutint au mur du clocher pour me redresser. Je vis alors mes mains. Elles étaient livides, presque translucides. Un frisson couru le long de mon échine. J'eus un haut-le-cœur et je vomis. Il y avait du sang. Je me sentais souillée.
Après un long moment je réussis à marcher. J'avais très peur qu'on me voit. Je ne voulais surtout pas qu'on sache ce que j'avais fait. Mais je parvins finalement jusque chez moi sans encombre. À peine eus-je toqué que ma mère m'ouvrit. Elle me fit rentrer et me conduisit sans un mot jusque dans ma chambre. Elle me retira mes vêtements et me donna une chemise de nuit propre. « Ce que tu as fait est très grave » me dit-elle avant de refermer la porte derrière elle. Seule, j'allais m'asseoir devant mon miroir. Mes yeux étaient écarquillés et semblaient s'être enfoncés dans leurs orbites. Il restait encore un peu de bile et de sang au coin de ma bouche. Je pris de l'eau et me nettoyait le visage. Je me sentais vide. Je dodelinais de la tête. J'allais à mon lit et m'enfonçais dans les couvertures. Il s'écoula de longues minutes avant que je n'arrive à me détendre un peu. Puis j'éclatais en sanglots. Ce n'était pas qu'une illusion. J'étais souillée.
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