Elle saigne. Elle souffre. Tout autour d’elle, il n’y a que le bruit furieux des alarmes assourdissantes, comme si le vaisseau lui-même criait de douleur. Les lumiglobes habituellement discrets du long couloir des cellules sont désormais la source d’un rouge criard accompagnant les signaux d’alerte trahissant la catastrophe dont ils ont été victime.
Cela n’aurait jamais dû pouvoir arriver ! Impossible ! Comment ?! C’est une première, elle en est certaine. Pas à l’échelle de sa misérable et insignifiante vie, ni même à celle de de ce vaisseau formidablement ancien… Elle est persuadée que jamais l’Imperium n’a connu pareil cas de figure.
Elle se force à ne pas céder à la panique, et tâte son holster, rassurée par la présence de son arme, mais la peur refuse de la quitter, probablement parce qu’elle ne maîtrise pas ses propres gestes. Ses mains tremblent, ses doigts sont faibles et gauches, et le rouge du sang qui s’en écoule n’a rien de rassurant, car il provient de sa tête. Elle s’en souvient à peine. Le vaisseau suivait sa route, en toute discrétion. La tranquillité du couloir n’était troublée que par les pleurs étouffés des prisonniers, ou leurs rires déments, parfois. Plus rarement par des menaces inintelligibles, étouffées par des couches de verre blindé et par les Cages de Sorcières fixées sur leur crâne, les empêchant de parler correctement, autant que d’user de leurs capacités honnies.
Elle a si mal… Elle veut appuyer sur le bouton des urgences destiné à tuer en un instant les occupants de toutes les cellules. En pareille situation, les protocoles sont clairs. Ils auraient déjà dû programmer cette commande depuis la passerelle, mais cela n’a pas eu lieu. Avec une horreur grandissante, elle réalise que pratiquement aucun ordre n’a été donné depuis… sa vue est trouble, le cogitateur est endommagé, l’écran fendillé et partiellement recouvert de son sang… Combien de temps s’est-il écoulé ? Elle veut savoir. Elle le doit !
Quand elle parvient à se rendre compte de ce qui se passe, elle reste figée par l’horreur, mais sa haine lui permet de ne pas céder à l’angoisse qui lui noue l’estomac. Rien n’est perdu si elle parvient à se relever. Si elle parvient à appuyer sur ce damné bouton ! Toutes les autorisations sont données depuis longtemps ! Ceux qui auraient dû terminer le travail en ont été empêchés, mais elle est là, au bon endroit, prête à enclencher la commande manuelle qui va sceller le destin des prisonniers.
Elle pousse sur ses jambes, et sent un haut le cœur lui arriver. Son estomac se révolte, sa vue est trouble… Le choc sur son crâne a probablement provoqué une commotion cérébrale, peut-être bien pire. Cela n’a pas d’importance. Elle n’a pas d’importance ! Se raccrochant in extremis à un barreau relié au mur à côté duquel elle se trouve, elle manque de peu de chuter, peut-être de tomber dans un sommeil qui serait si bienvenu… Elle vomit, mais ne cède pas. Ses doigts, toutes ses articulations, sont sous le choc, comme vidés de leur énergie, mais elle se force à y rassembler sa volonté pour les fermer en un poing qui se veut vengeur.
De toutes ses forces elle l’écrase sur le bouton figurant un symbole morbide représentant la mort toxique qui attend les infortunés enfermés ici. Pas le choix ; tel ne devait pas être leur destin, mais l’Imperium ne prend pas ce genre de risque. L’Imperium ne prend pas de risque du tout, concernant ce genre de chose.
Elle peut l’entendre, le bruit, celui de la dépressurisation des conduites d’arrivées de gaz toxiques qui se déversent dans les cellules. Cela réduit littéralement les poumons en pulpe liquide à la première inspiration. C’est une mort qui prend moins de trois secondes lorsque l’on est directement exposé à une dose équivalente à la fumée d’un cigare. Et les cellules s’en emplissent, totalement, jusqu’à ce que plus rien ne soit visible derrière les vitres.
Elle n’en a pas entendu un seul crier, ne serait-ce que de surprise. Seraient-ils tous morts lors du choc initial du vaisseau, projetés trop violemment contre un mur de leur cellule pour y survivre ? Cela lui parait improbable. Mais comment pourrait-elle le savoir ? Il y a tant de bruit… Les alarmes qui continuent de rugir l’assourdissent, tout comme les bruits d’étincelles qui jaillissent des circuits électriques déchirés, celui des vapeurs sous pression qui s’échappent des tuyaux de refroidissement, ou celle de ce martellement si lointain qui refuse de finir…
Le son étouffé du dernier souffle de pauvres hères tués presque sur le coup par l’un des pires poisons de la galaxie, à travers du verre étudié pour résister à l’assaut frontal d’une équipe de soldats complète… et avec tous ces sons parasites ! Comment aurait-elle pu entendre quoi que ce soit ?!
Elle tente de se rassurer en pensant ainsi, mais son esprit n’est pas tranquille.
Elle se dirige à travers la porte ouverte à grande peine dans le couloir des cellules, après s’être assurée qu’elles étaient toutes encore bien verrouillées. Elle titube, elle se raccroche aux murs, elle avance à une lenteur insupportable, mais elle progresse, vérifiant une par une toutes les pièces embrumées par le gaz, et s’assurant qu’elles contiennent toutes un cadavre. Une tâche morbide mais indispensable… Pas de risque à courir. Pas avec « ça ».
Elle les compte. Elle fait son travail jusqu’au dernier instant, ne parvenant pas à se sentir navrée pour eux. Ils ne souffriront plus. Ils ne représenteront plus de danger. Elle continue d’avancer, d’un pas de plus en plus assuré, jusqu’à arriver à la cellule de haute sécurité la mieux gardée. « Il » était ici. Cette cellule est très rarement utilisée. Le taux de puissance psychique d’un prisonnier de cet acabit suffit généralement à le faire abattre sur place, mais pas lui. Il était supposé être en-dessous du niveau qu’on lui a attribué. La Cage de Sorcière était efficace et l’isolait complètement. Il était calme, ne parlait que quand on lui posait une question, il n’avait jamais fait de mal… Et son cas avait été probablement mal évalué…
Ils se sont rendu compte de leur erreur beaucoup trop tard.
C’est un cas presque unique, « qui mérite d’être étudié », ont dit les plus hauts gradés de l’Ordo. Ils le voulaient vivant, et sous contrôle. Quelle arrogance ! Comment contrôler « ça » ?!
Elle arrive devant le panneau de sécurité et le fait s’abaisser pour que la paroi d’acier renforcée supposée résister à un Space Marine furieux s’ouvre, en deux grandes plaques révélant l’intérieur de la cellule. Elle voit. Des larmes de panique commencent à couler de ses yeux écarquillés par l’horreur.
- Non ! crie-t-elle de toutes ses forces, comme si cela allait changer quoi que ce soit. Non ! Pas lui ! Ho
Empereur tout puissant, tout mais pas lui !
Face à elle, la cellule est vide. Le sujet d’étude 024-47-3 s’est échappé. Ou plutôt, a été libéré. Quelle que soit la nature de l’ennemi, il vient de s’emparer d’une arme terrifiante.
Ils viennent de relâcher un Psyker de niveau Alpha sur le Segmentum Tempestus.
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