Des Spaces Marines n'auraient jamais pu s'en rendre compte.
Un trop grand conditionnement à penser à l'ennemi uniquement en tant qu'entité à détruire, à éradiquer, cela ne permettait pas de développer ce genre de considération.
Une notion de poésie ; une forme de symbole immense, grandiose ! Un véritable instant d'éternité porté par une rencontre entre deux races.
Azador perçut cela immédiatement, presque contre son gré. Regarder cette scène fut comme observer un tableau, véritable toile à l'huile prenant vie sous ses yeux désespérément mortels.
Les regards que se lancèrent le Seigneur Destroyer et le Maître des Essaims furent incroyables, emplis de notions infiniment plus complexes que ce qu'un Astartes aurait pu percevoir.
Je suis la vie foisonnante et éternelle ! J'apporte la mort et me répand comme une fleur qui se déploie à l'échelle galactique !Et en réponse :
Je suis la mort incarnée, la destruction sans fin de tout ce qui a seulement commis la faute d'exister. Je ne ressens rien contre toi, mais je hais ton existence.Deux regards à couper le souffle tant ils étaient similaires. A la fois vides, et brillants d'une froide intelligence. Tous deux porteurs d'une lueur qui n'aurait pas dû exister, incarnation de deux volontés absolues se rejoignant en cours de route pour mieux s'opposer aussi sûrement que la matière et l'antimatière. Deux froideurs dépourvues de sentiments ; deux haines dignes d'incarner des volontés donnant un sens étrange au mot "démoniaque".
La Mort, glaciale !
L'innommable, affamé par la vie...
Tout cela en un regard. Quel Astartes aurait pu avoir ce genre de considération ?
Sandro, pensa amèrement Azador,
Sandro aurait peut-être pu...***
- Activez les boucliers !
- Impossible de rediriger l'énergie...
- Mais que font ces damnés technoprêtres ?!
- Un incendie a éclaté dans la salle des machines, ils ont...
- J'avais interdit les initiatives ! Peu importe si on explose avec ce vaisseau je veux toute l'énergie dans les armes et dans les boucliers des sabords !
- Ils ne répondent à aucun appel !
- Alors contactez-les par le terminal bon sang !
L'officier voulut obéir à cet ordre, mais sa console grésilla et lui cracha une nuée d'étincelles avant de rendre l'âme.
Les officiers supérieurs observèrent avec horreur la forme massive, compacte, et étonnamment gracieuse du léviathan de chair et de chitine, (ainsi que d'autres matières inconnues) qui se rapprochait d'eux pour les saisir et les broyer dans des tentacules grands comme des tours d'habitation de cité ruches. Les tirs presque ininterrompus des armes de défense n'avaient aucune espèce d'influence sur l'arrivée inexorable de cette bête que les étoiles avaient tant vu voyager.
- Que... Quand les artilleurs pourront-ils à nouveau ouvrir le feu avec quelque chose de conséquent ?
- Pas avant dix sept minutes... Au mieux...
- Monsieur Scott...
Le commandant en second n'attendit pas la fin de la phrase.
- Considérant leur vitesse et la nôtre, nous avons trois minutes...
- Dans ce cas... Messieurs, redirigez toute l'énergie dans les moteurs encore valides. Nous allons éperonner cette bête !
- Il est de mon devoir de vous dire que...
- Je sais, lieutenant. Servir avec vous fut un honneur. Monsieur Sco...
La cible se tordit, comme frappée par une titanesque présence. Tous les officiers présents sur le pont du Pluto's Wrath étaient des vétérans chevronnés, habitués à tout ce que l'espace était capable d'offrir. Tous avaient été formés dans des écoles réservés à l'élite, puis complété leur formation par de nombreuses années sur le terrain. Tous avaient les bases en planétologie, en étude des champs stellaires, en nébuleuses et autres domaines de l'astrophysique. Cela était vital pour savoir comment réagir face à certaines situation, ou élaborer des plans de bataille tenant compte du terrain.
Aussi, tous les officiers supérieurs du pont de commandement se demandèrent pourquoi ils assistaient à une éruption solaire à plus de quatre années-lumières de la plus proche étoile. Ceux qui pensaient plus vite que les autres se demandèrent immédiatement comment cette éruption solaire pouvait être aussi nette dans sa forme, parfaitement droite comme une lance projetée par un dieu. Le capitaine seul se posa la question réellement pertinente de tout le pont de commandement.
Comment... Comment ces Xénos ont-ils pu transformer "ça" en arme ?!***
Les Dreadnoughts, les Titans, et dans une autre mesure, les vaisseaux de la Flotte Impériale partageaient un point commun : un pilote connecté sur le plan neural, qui devenait la machine. Ses bras devenaient ses bras, ses armes devenaient des prolongements naturels de son corps. A bien des égards, l'état symbiotique ainsi obtenu devenait l'une des plus grandes forces du pilote.
Le Seigneur Nécron, lui, ne faisait qu'un avec sa flotte.
Avec un brio mathématique époustouflant, il calculait à lui seul ce que des dizaines de cogitateurs humains réunis auraient peinés à seulement égaler. Penser en trois dimensions était une seconde nature pour l'être de pure logique qui se tenait sobrement assis, immobile, sur un trône qui n'avait rien de cérémoniel. Connecté au Vaisseau-Tombe d'une façon que l'humanité n'appréhenderait probablement jamais, il synchronisait les mouvements de la flotte comme un artisan de bataille aurait bâti un assemblage de mort.
Il ressentit immédiatement la perte d'une escadrille et la compensa sans délai ni état d'âme par l'arrivée suicidaire des Shrouds qui protégèrent son flanc gauche/inférieur de quarante degrés. Cela lui laissa dix-sept secondes (selon les standards terrestres), pour rediriger le Vaisseau Scythe vers l'un des tas de biomasse compacte qui se dirigeait vers un assemblage de métal volant terriblement rudimentaire. Il calcula en même temps combien de temps le vaisseau humain lui ferait gagner une fois qu'il aurait récupéré sa capacité de tir tout en anticipant quarante quatre manœuvres différentes dans lesquelles le vaisseau humain choisirait de s'en prendre à eux par la suite.
Il regarda le tir de Foudre Solaire percuter de plein fouet le vaisseau des insectes et lui arracha une large part de sa coque, sans en éprouver la moindre satisfaction. Ce n'était qu'une donnée de plus.
Son maître avait tenu à se téléporter personnellement sur le vaisseau ennemi semblant être le plus massif entre tous. C'était de là que partait le signal qu'ils avaient enregistré, analysé, et défini comme la présence de leur officier capturé. "Capturé... "
Cela ressemblait à une anomalie.
Imaginer une technologie outrepassant leurs capacités à tout prévoir et anticiper, quelque chose permettant de dépasser le stade de la destruction et de la réparation auxquels ils s'étaient habitués durant tant de millénaires était pour le moins... une perturbation. Le fait que leur Seigneur, un tétrarque confirmé comme il l'était lui-même, n'ait pas pu revenir... Aucun de leurs schémas tactiques n'avait prévu cela. Les seules comparaisons dont ils disposaient remontaient à la Guerre des Anciens, lorsque certains d'entre eux avaient été téléportés dans le Warp, sans espoir de retour.
Il ne faisait aucun doute que ce n'était pas de cela qu'il s'agissait ici.
Il songea que cette considération ne modifierait pas sa tactique et coordonna de nouveau une volée de tirs de projecteurs à particules qui démantelèrent le vaisseau tyrannide déjà endommagé. Celui-ci n'avait pas eu le temps de générer un nouveau nuage de spores lui servant de bouclier cette fois-ci. Au même instant, ils espionnaient les communication humaines, s'appropriant le maximum de connaissances sur cet ennemi jusqu'alors inédit. Des termes étaient utilisés, traduits, remis en contexte et réappropriés par les crypteks à une vitesse terrifiante. A leur rythme, et au cœur de la bataille, les nécrons apprenaient.
Ce que les humains appelaient "batteries pyro-acides" étaient effectivement un problème. Et même si la flotte Nécron était l'une des plus titanesques jamais assemblée depuis longtemps, les tyrannides les dépassaient encore très largement en nombre, humains compris.
Cela n'avait pas d'importance tactique immédiate, décida le tétrarque en envoyant une dizaine d'ordres en quelques secondes à peine. Ils avaient un plan, que ni les humains, et encore moins les insectes pouvaient anticiper.
Il actionna un nouveau décompte tenant compte des dernières données, son vaisseau de commandement avançant vers le cœur de la flotte ennemie, dans ce qui semblait être une glorieuse et héroïque marque de suicide programmé.
Pour la première fois depuis le début de la bataille, et pour la première fois depuis plusieurs millions d'années, il donna son ordre "à voix haute". Une voix à son image : caverneuse, métallique et glacée.
Activez les générateurs du Sépulcre.***
A bien des égards, les écrivains qui parlent d'une bataille se diviseront en deux catégories : ceux qui mettent l'accent sur son horreur, et ceux préférant y voir l'héroïsme, la bravoure, la beauté, en un mot, l'épique.
Certains, plus versés dans le tragique, utiliseront des figures littéraires mélangeant ces deux notions afin d'introduire d'intéressants paradoxes. Mélanges subtils entre horreur et magnificence...
C'est précisément ce qu'Azador ressentit en voyant les nécrons charger.
Toujours plus nombreux à se téléporter, apportant avec eux une étrange odeur rappelant celle d'un laboratoire aseptisé, les êtres de métal avaient commencé par assurer une présence avec laquelle le vaisseau tyranide entier devait compter. Au sol, une véritable incarnation des symboles respectifs de ces deux races se percutaient comme un souffle d'air chaud et d'air froid, se repoussant sans cesse en créant peu à peu une brume électrique étrange. Des nuées de scarabées métalliques arrivaient sans discontinuer contre une marée toute aussi infinie de ces vers serpentiformes que l'Imperium avait sobrement nommé "Voraces". Affamés de mort contre affamés de vie... Vu de loin, le sol semblait se battre en personne.
Des guerriers nécrons désormais présents par dizaines jetaient leurs regards froid et étrangement détachés sur des ennemis qui ne ressentaient ni peur ni douleur, la vague vivante et hurlante se jetant sans relâche sur ce mur d'acier froid qui ne s’émouvait pas de ses pertes ; ni de ses succès.
Acide contre fission. Griffes contre champs électriques. Spores explosives contre désintégrateurs synaptiques... La liste n'avait pas de fin ; la bataille non plus, en apparence.
Mais l'Interrogateur ne savait que trop bien que la fin allait arriver, plus vite qu'aucun d'entre eux ne pourraient le prévoir. Pour l'heure, les deux forces en présence s'occupaient mutuellement de ce qu'elles avaient identifié comme la plus grosse menace, mais cela n'épargnait absolument pas aux membres restant de la Deathwatch le fait de subir un assaut de la part des deux forces en présence. L'attention qui leur était consacrée était juste plus... éparse ?
- Azador ! Combien de temps avant que... Hurngh !
Wulfric avait serré les dents sous l'effet de la douleur. Un tir de fission lui avait perforé l'épaule.
- En ce moment les trois flottes doivent se battre. Ce vaisseau-ci n'a subi aucune secousse importante donc...
L'interrogateur fut forcé de se baisser soudainement pour éviter l'assaut imprévu d'un hormagaunt et il le découpa en deux grâce à sa lame énergétique alors que celui-ci était encore en plein vol. Un terrible coup de sa botte renforcée d'acier brisa net la nuque d'un autre arrivant à ses pieds.
- ... Donc... soit les nécrons ignorent celui-ci pour l'instant et comptent laisser les troupe le détruire de l'intérieur... soit...
Il fut interrompu à nouveau, mais cette fois-ci, ce fut par un tir parti d'une arme à fission conséquente. Ils dut baisser la tête et esquiver mais la manœuvre le déséquilibra et le fit chuter.
- Soit ils ne sont pas encore assez près pour le viser, compléta Nolt.
- Ils sont peut-être assez proches, mais trop occupés par les autres.
L'interrogateur prit un instant pour observer la scène.
Le Seigneur Destroyer survolait ce champ de bataille surréaliste avec une grâce étrange, rapide comme une motojet eldar, mais sans cet aspect gracile et léger toujours présent chez cette race énigmatique.
C'était étrange.
Le Seigneur Destroyer était plus léger que l'air grâce à son corps supprimant purement et simplement la gravité, et pourtant il conservait cet aspect massif, solide et étrangement figé qui contrastait avec sa vitesse et sa technique de combat.
Munit de cette terrible lance capable de couper net le canon d'un Leman Russ, il commettait un carnage parmi les créatures synapses de moindre importance sans jamais laisser à l'adversaire le temps de ne lui infliger ne serait-ce qu'une griffure en retour. Il choisissait ses cibles avec soin, et les exécutait avec une méthode froide et mécanique, tel un chirurgien ôtant des tumeurs d'un corps malade sans discontinuer.
Un instant, une seconde seulement, Azador se permit des paroles hérétiques, commentant ce spectacle d'un simple : "Magnifique !"
***
Tuer n'était pas la raison de son existence, tuer
était son existence. La Moisson, nourrir et renforcer ses dieux pour leur rendre leur gloire et leur puissance passée, rien n'excédait cet objectif absolu. Pour cela, il fallait des agents.
Du plus simple scarabée aux commandants les plus puissants, tous n'étaient à divers degrés que des outils. Pas d'ambition, pas de volonté propre... Juste une mission.
Et surtout pas de sentiment, alors qu'il abattait sa lame sur le crâne de cet insecte géant muni de bras en forme de faux et de ce rudimentaire canon acide. La cervelle gicla sans qu'il n'y fasse attention, passant immédiatement à une autre cible. Un de moins. Une donnée de moins à prendre en compte. Un calcul. Tout n'était qu'un calcul.
Sans avoir à l'observer de ses yeux, il reçut des données obtenues à la vitesse d'une téléportation lui apprenant que la plus imposante des bêtes présente résistait relativement efficacement pour le moment.
Pire : elle coordonnait l'arrivée constante de nouveaux ennemis tout en combattant avec une efficacité certaine. Exactement comme lui. Cela fut dûment notée comme un "problème à résoudre".
A l'instant même où la créature tomberait, ses calculs l'amenaient à la conclusion que l'ennemi serait désorganisé. Il aurait alors tout latitude pour s'occuper de ceux qui lui avaient volé son outil.
***
- Au nom de l'Empereur, quelqu'un peut me dire ce qu'est cette... chose ?!
- Pic d'énergie enregistré à... le cogitateur...
- Quoi ?!
- Il a perdu le compte... Le cogitateur n'arrive pas à suivre de combien le niveau d'énergie était.
- A t-on seulement une estimation ? De combien est la saturation énergétique ?
- Elle est largement au delà des huit-mille...
Le capitaine Farissiant ne répondit pas.
Les diverses flottes humaines a avoir survécu à un affrontement direct avec la race nécron étaient unanimes : on ne pouvait pas surclasser ces xénos autrement que par une supériorité numérique écrasante. Farissiant avait lu les rapports mais il n'avait jamais compris comment il était possible que les forces les plus brillantes de l'Imperium ne parviennent pas à surclasser de simples aliens. Orks. Eldars. Taus. Puissances de la Ruine. Il n'y avait pas beaucoup d'espèces d'importance que Farissiant n'ait rencontré et vaincu au moins une fois dans sa longue carrière. Il y avait toujours un moyen de prendre l'ennemi de cours, de le surprendre, de manœuvrer d'une manière inattendue, puis de pousser son avantage. "Qu'est-ce que les nécrons avaient de différent ?" était une question qu'il s'était posée durant des heures à l'issue des rares lectures de rapport d'affrontement qu'il avait pu obtenir.
A présent il savait. Les nécrons étaient, en terme de technologie, de véritables
monstres.
- Où... Où en est notre flotte ? Quelles sont nos pertes ?
- Quarante pourcent est totalement hors de combat pour dix-sept pourcent de pertes nettes. Cela représente...
- Je sais ce que ça représente... Pouvez vous contacter le commodore Abrizio ?
- Non mon capitaine. Il est en plein cœur de la zone de combat. Les transmissions hertziennes et psychiques sont totalement saturées par les explosions et par l'influence psychique tyranide.
Farissiant ne voulait pas poser la question, car il savait qu'aucune réponse ne lui conviendrait. Mais des années de service et un sens du devoir s'exerçant en toutes circonstances le poussa à le faire relativement promptement.
- Que... Que font les nécrons ?
- Difficile à dire mon capitaine. La flotte tyranide entière nous sépare d'eux. Enfin... elle sépare nos deux flottes, même si nous sommes au sommet du front supérieur, donc plus proches d'eux... Plus de la moitié de la flotte tyranide s'est détournée de nous pour leur faire face. Ils essuient de lourdes pertes mais les premières pertes enregistrées chez le néc...
- Officier ! Que. Font. Les. Nécrons ?
- Leur flotte a adopté une sorte de "formation", de ce que nous pouvons voir d'ici. Ils forment une sorte de lance qui s'enfonce droit au cœur de la flotte tyranide. Les pertes sont sévères des deux côtés mais...
- Quel est leur comportement envers notre flotte, demanda le capitaine d'une voix glaciale.
- Ils nous ignorent mon capitaine. Intégralement. Enfin...
- Une précision à apporter ? demanda le capitaine sur le même ton.
- C'est difficile d'en être certains ici mon capitaine, mais... On dirait même qu'ils nous aident... Plusieurs vaisseaux auraient été désemparés sans leur intervention.
Farissiant jura en silence, comprenant trop bien les implications d'une telle révélation. Les choses étaient tout particulièrement claires. Les nécrons, tenant compte de leurs propres pertes, ne se contentaient pas d'estimer ce qu'ils pouvaient mutuellement faire aux tyranides. En l'état actuel des choses, ils ne considéraient même pas la titanesque flotte humaine comme une menace.
***
Les Space Marines n'arrivaient plus à tenir leurs positions. Ils étaient forcés de reculer s'abriter, pas après pas, car l'intensité des combats les y poussait inexorablement, et ce bien qu'ils n'aient pas été des cibles prioritaires pour les deux races xénos en présence depuis de longues minutes. Il n'y avait plus la moindre munition, et toutes les armures étaient endommagées à divers degrés.
En un sens, la mission était accomplie. Les deux espèces se battaient avec une science du carnage proprement spectaculaire, et il était à parier que la flotte nécron serait forcée de mener des manœuvres complexes pour se sortir du bourbier insectoïde dans lequel elle s'était enfoncée. La lutte allait donc se maintenir un certain temps, que les nécrons récupèrent leur commandeur ou pas.
Azador pouvait voir ce qui ressemblait à une forme de fatigue chez les Marines. Ils se battaient d'une façon mécanique, automatique, très efficace mais dénuée du style que chacun avait développé durant des années. L'interrogateur ne pouvait que trop bien le comprendre : il était lui-même à bout de forces, et son bras semblait fait de plomb tant il lui pesait. Bientôt, le caisson deviendrait indéfendable, malgré la carcasse lourdement blindée qui l'entourait, et alors la fin les prendrait tous.
Ryanor fit soudainement un bond prodigieux le propulsant au dessus d'une marée qui allait l'engloutir pour laisser Ambrosius et Wulfric accueillir la charge de plein fouet, se retournant immédiatement pour attaquer ses adversaires dans le dos. Hache, épée et griffes énergétiques firent un carnage sur le petit essaim soudainement encerclé.
Tenaka s'était remarquablement vite habitué à ses bioniques et faisait preuve d'une dextérité étonnante, mais il était perceptible qu'il ne tiendrait pas le rythme longtemps. Il le disait lui-même lorsque l'entrainement dont il était issu laissait place à la méditation : "La flamme d'une bougie brille toujours plus vivement avant de s'éteindre."
Cette métaphore pouvait s'appliquer à l'escouade entière.
Azador éventra un autre assaillant en reculant encore jusqu'à ce qu'il sente contre son dos la dure parois du Thunderhawk crashé. Il ne parvint qu'à reprendre quelques inspirations avant que son flanc gauche ne soit déchiré par la faux d'un hormagaunt. La douleur fut trop vive pour qu'il puisse seulement hurler, et il sombra dans l'inconscience, pensant simplement qu'il était heureux de ne pas avoir à assister à la mort de ces Astartes qu'il respectait profondément.
***
Les données se multipliaient à un rythme très soutenu que peu d'autres esprits que le sien aurait pu supporter. Les dégâts que subissait le Vaisseau-Tombe excédaient désormais sa capacité d'auto-réparation et ce malgré les pertes infligées en permanence à la flotte tyranide. Cela aussi, n'était qu'une donnée. Les calculs avaient été effectués rapidement.
Le soutien et le répit que sa flotte allait pouvoir lui apporter, le taux de régénération du métal vivant, le nombre de vaisseaux ennemis... tout était calculé. Il savait très précisément combien de temps il avait, et la donnée principale était certifiée : "suffisamment".
Ils approchaient à un rythme soutenu du vaisseau de commandement identifié des insectes. Très bientôt ils seraient à une portée optimale pour accomplir leur plan. Son plan.
***
- Nous n'allons plus tenir longtemps ! hurla Ambrosius.
- Chaque seconde constitue une éternité de bataille en plus entre ces horreurs ! Continuez !
- Restreignez le cercle ! Dissimulez vous au maximum ! Tant qu'ils se battent entre eux nous n'avons aucun intérêt à ce qu'ils nous remarquent !
- Une bonne chose que vous ayez vos casques en ce cas, vu vos trombines !
- Mais comment est-il devenu capitaine ?! hurla Gregor en abattant son poing sur le torse d'un Guerrier Tyranide renversé sur le dos.
Tous se regroupèrent autour de la carcasse de l'aéronef, Nolt ramassant le corps d'Azador au passage et le déposant à l'intérieur, seul lieu relativement sécurisé.
- Prêts pour un dernier carré les louveteaux ?
- Je parie que j'en emporterai plus ici que vous dans tout votre carrière.
Cette dernière raillerie lancée par Tenaka ne fit sourire personne.
Un son sans équivoque coupa court aux dernières piques que se lancèrent les guerriers. Un quart de seconde plus tard, tous s'écroulèrent en hurlant.
***
Distance optimale : atteinte. Configuration : optimisée à cent trois milliardièmes de secondes. Angle d'attaque : maximal. Puissance accumulée : maximale.
Le Seigneur de la flotte ne donna pas cet ordre par impulsion et intrachargement de données. Cette commande était spéciale, unique, propre au vaisseau lui-même.
Posant sa main métallique sur le panneau d'activation, il éveilla des glyphes endormis depuis plusieurs éternités. Il pressa une poignée et la poussa vers l'avant, sans enthousiasme ni aucun sentiment de jubilation, alors que la dernière pièce du puzzle s'imbriquait exactement à l'instant prévu.
L'onde psychique éclata et balaya la zone sur plusieurs centaines de milliers de kilomètres cubes, déchirant les esprits ayant ne serait-ce qu'une fraction de psychisme en elle. La flotte nécron serait seule à ne pas en ressentir le moindre effet.
Quelque part dans ses pensées, une donnée dont il était lui même l'auteur se répandit à une vitesse défiant les lois physiques à travers toute sa flotte. Deux mots. Deux mots seulement.
"
Sépulcre activé."