Avec toutes mes excuses pour ce retard !La tourmente était abominable, des torrents de sable griffant les armures des fils de l'Empereur se jetant en permanence contre eux comme l'auraient fait autant d'ennemis minuscules. En fait d'armure, ils n'y avait pratiquement plus une trace de peinture pour les distinguer les uns des autres, la silice partiellement métallique du sol de Gemelis IV s'avérant terriblement corrosive au sein de cette tempête monumentale. Avec les systèmes internes de son armure énergétique hors service et dépourvu d'oxygène supplémentaire, Tenaka avait de nouveau sombré dans l'inconscience. Il était certain qu'il ne tiendrait pas une heure dans ces conditions.
Faisant passer la mission en priorité, le groupe de Sandro était parti sans les attendre, pour mettre le caisson et l'interrogateur en sécurité. Wulfric et Ambrosius n'avaient pas prononcé un mot à ce sujet. Ils étaient unanimes : c'était l'exacte chose à faire.
Les deux Astartes se forçaient à avancer, Wulfric étant seul à porter le Mantis Warrior sur ses épaules, Ambrosius se chargeant de repousser à grands coups d'épée les Mantas qui leur tombaient dessus. Ils perdaient rapidement leurs forces et peinaient terriblement à s'orienter, le sable volant en tous sens et les Mantas se dévorant entre elles ou tombant sous les coups du Black Templar n'en finissant pas d'embrouiller leur perception. Leurs armures ne leur étaient d'aucune aide car les ondes étaient brouillées au-delà des trois mètres. Les récepteurs saturés de parasites et d'informations contradictoires étaient perturbés tant par les ondes magnétiques de la tempête que par les codes Xénos qui semblaient hurler sur des fréquences impossibles dans une langue irréelle. Les capteurs et les récepteurs des armures Space Marines étaient les plus résistants que l'Imperium pouvait produire ; c'était l'unique raison pour laquelle ils n'avaient pas déjà grillé.
Ils n'avaient guère eu le temps d'y penser, mais il s'avérait probable que les Nécrons ne les avait pas encore trouvés grâce à cette même tempête.
- S'il y a des tempêtes de sable sur Baal, cela doit ressembler à ça, je suppose, cria Ambrosius en embrochant une Manta d'un terrible coup d'estoc. Sandro a sans doute pu se repérer mieux que nous.
- J'espère que tu as raison, dit simplement Wulfric.
Ils continuèrent d'avancer, chaque pas constituant une nouvelle épreuve. La force exceptionnelle d'un Space Marine était formidable, réputée pour valoir celle d'une centaine de simples humains au combat. Les combats dans les tunnels, porter un autre Marine blessé, (bien que privé de ses deux jambes et d'une grande partie de son armure), et affronter la tempête avait sans aucun doute réduit la valeur du Space Wolf. Il ignorait de quoi il retournait pour Ambrosius.
- Cela fait trente minutes bon sang ! On devrait déjà être arrivé depuis longtemps au point d'extraction d'urgence décidé avant la descente !
- A supposer qu'ils ne nous croient pas déjà morts, répondit doctement Ambrosius, nous ne savons pas exactement où nous nous trouvons. Et même s'ils envoient une navette de secours, elle aura un mal fou à nous trouver dans une tempête de cet acabit. Son ampleur doit s'étendre sur des centaines de kilomètres.
- Laissez... moi ici...
La voix de Tenaka avait été horriblement faible, à peine un murmure. Ils ne l'avaient entendus que grâce à une très brève accalmie et un léger regain d'énergie alimentant les amplificateurs des capteurs sonores de leurs armures. Wulfric raffermit sa prise avant de répondre comme un enragé.
- Deux des nôtres ont été perdus dans cette foutue mission, dont un spécifiquement pour permettre que je sauve tes fesses. Je te trimballe comme un gigot trop grand pour moi depuis assez de temps pour que ma colonne vertébrale soit assez tendue pour faire concurrence à l'adamantium. Parle encore une fois de te laisser te reposer tranquillement ici plutôt que de faire ton devoir envers le Père de Tous, et je te met une telle claque qu'on pourra jurer que toi et Eriksson étiez des jumeaux !
Tenaka ne répondit rien, et Wulfric ne sut pas si c'était parce qu'il avait à nouveau perdu connaissance ou si l'évocation du nom d'Eriksson en était la cause.
La tempête redoubla d'intensité.
***
Ils étaient au point d'extraction, cela était certain à présent. Et il n'y avait personne, la tempête ayant même effacé les traces des décollages. Ambrosius était sûr de son fait : il avait retrouvé un morceau de l'aile endommagée. Ils étaient définitivement seuls, et le Mantis Warrior n'avait même plus la force de gémir. Il était à l'agonie.
- Un plan, capitaine ?
- S'ils doivent venir nous chercher ce sera là. Les vermines métalliques ne nous ont toujours pas retrouvés alors que la planète entière doit être à nos trousses, donc pour le moment la tempête offre une dissimulation efficace. Tenaka va y passer d'ici très peu de temps, et si nous bougeons ce sera pire. Et rester immobiles est plus sûr que de bouger avec ces horreurs volantes qui tombent de partout. On ne bouge pas, armures à un taux d'activité minimale.
- S'ils peuvent opérer une forme de triangulation même imprécise de notre position supposée...
- Tu as tes ordres, croisé de Dorn. A moins que tu n'ai déjà pris goût à la désobéissance.
- Gardez ces piques pour...
La phrase d'Ambrosius se termina par un cri, bref, sourd, révélateur d'une douleur presque insupportable. Un éclair vert avait traversé son épaulière de part en part. Au loin, derrière une bute de sable, Wulfric distingua une silhouette massive. Si à cette distance et malgré l'intensité de la tempête, ces abominations parvenaient à faire des tirs aussi précis, espérer les atteindre au corps à corps était du suicide, et leurs pistolets bolters ainsi que le pistolet à plasma d'Eriksson étaient à court de munition depuis longtemps. Ambrosius avait perdu connaissance quelques secondes après l'impact. Cela n'avait rien d'étonnant : quand la créature se rapprocha, Wulfric constata que le gigantesque canon de bras responsable du tir appartenait à une créature virevoltante connue sous l'appellation officielle de "Destroyer Lourd" ; il avait vu des chars Leman Russ perforés de part en part par ces choses. Un nom qui manquait cruellement d'imagination selon Wulfric, mais cela n'avait rien d'étonnant. Les appellations officielles étaient souvent données par les membres du Mechanicum. Être imaginatif n'était pas dans leur nature.
Se dissimulant au mieux derrière la dune, Wulfric sut qu'il n'aurait droit qu'à un seul essai. Il se rappela alors tout. La moindre donnée, le moindre enregistrement, tout ce que son psychoendoctrinement avait pu lui apprendre sur ce type spécifique de Nécron, et calcula alors son prochain assaut, sachant pertinemment qu'il n'aurait pas deux occasions.
Il inspira les plus grandes bouffées d'air possible afin d'alimenter son corps épuisé et meurtri en oxygène. Si le Destroyer s'était approché pour optimiser ses tirs comme Wulfric avait appris qu'ils le faisaient habituellement, il serait sans doute à une portée de charge raisonnable, pour peu qu'il parvienne à le prendre par surprise... et qu'il soit seul.
L'instant était parfait.
Le silence s'était fait en lui malgré les hurlements des vents torturé de ce monde mort. Il ressentait tout, des mécanismes internes de son armure à la couche souple et caoutchouteuse de la combinaison qui recouvrait son corps. Ses doigts vieillissants mais toujours assez fermes pour agripper le manche de cette hache énergétique qu'il était si fier d'avoir forgé lui-même, malgré ses défauts et le fait qu'il avait réalisé cet ouvrage sans l'approbation finale d'un adepte du Mechanicum appartenant au chapitre, ou même un Techmarine.
Il se rappela de Fenriss, cet enfer blanc qu'il avait été si fier et heureux d'appeler "chez lui" tant de siècles auparavant.
Il rouvrit les yeux à l'instant précis où il sut qu'il devait lancer son ultime assaut, prenant un instant, une seconde à peine, les grains de sable de ce minable caillou pour la neige si pure et impitoyable de son monde natal.
- Au nom du Père de T...
Le tir s'écrasa depuis le ciel jusque sur la silhouette mécanique avec la force d'un marteau divin, transperçant le Nécron et le faisant fondre. Wulfric vit plusieurs traces de métal s'évaporer avant qu'il ne disparaisse, sans doute téléporté pour être immédiatement réparé dans ces souterrains qu'ils avaient quittés moins d'une heure plus tôt.
A moins de dix mètres d'eux, la Navette Aquila sévèrement malmenée se posa tandis qu'en sortaient les cinq serviteurs d'arme qui étaient restés défendre Nolt quand il effectuait ses réparations. Wulfric ne chercha pas à en savoir plus et se rua sur Tenaka, le jetant le moins violemment possible sur son épaule tout en réveillant le Black Templar encore inconscient d'un coup de pied dans les côtes. Quand ils se mirent à courir vers la navette, des tirs concentrés d'énergies à la couleur qu'ils commençaient à trop bien connaître s'écrasèrent à leurs pieds. Ils ne se retournèrent pas et furent présents dans la navette en moins de quatre secondes. Échappant de très peu à un tir horriblement précis, Ambrosius se jetant en avant à l'intérieur de la petite soute, percutant Wulfric et l'entrainant dans sa chute alors que la porte de débarquement se refermait derrière eux.
Les serviteurs couvrirent leur échappée alors que la navette décollait péniblement, vacillante sous les assauts du vent chargé de sable corrosif. Ils encaissèrent un seul tir, qui ne compromit pas l'intégrité de la navette ou son étanchéité face au vide spatial. Très vite ils virent qu'ils étaient poursuivis, deux aéronefs en forme de croissant de lune les coursant.
-
Accrochez vous à quelque chose ! dit une voix qui résonna dans leur casque.
- Azador ? demanda Wulfric.
-
J'ai dit accrochez vous !L'accélération fut brutale et les fit rouler à l'intérieur de la soute. Wulfric jura mais perçut l'utilité de cette manœuvre ; une fois dans l'espace, leur vaisseau pourrait leur offrir un tir de couverture satisfaisant.
Peinant à retrouver son équilibre, le capitaine éructa furieusement.
- Comment nous avez vous retrouvé ?
-
J'ai perturbé vos sens pour parvenir à sentir vos présences. J'ai ainsi pu vous localiser assez précisément. - J'étais sur le point de m'élancer face à un tueur de char ennemi avec mes propres sens m'envoyant de fausses informations ?! Vous avez failli me faire...
-
Vous êtes en vie capitaine. Quand bien même vous auriez abattu ce Destroyer Lourd, il y en avait sept autres d'après les capteurs de la navette. Il fallait que je vous retrouve. A présent je vous en prie, fermez là.Wulfric manqua de peu de défoncer la porte séparant son habitacle du cockpit de pilotage mais parvint à s'en abstenir de très peu. Il sentait qu'il se passait quelque chose.
- Pourquoi êtes-vous revenu, crétin de mortel ?! Vous aviez dit...
- Ce que j'ai dit est obsolète. La mission est compromise.
- Qu... QUOI ?!
Wulfric sentit son sang se glacer à cette nouvelle. Le caisson avait-il été détruit ? Les autres étaient-ils morts ?
-
J'ai pu vous retrouver, ce qui est une bonne chose, car nous allons avoir besoin de toutes les ressources possibles. Le caisson n'est plus entre nos mains.- C'est impossible ! Rugit Wulfric. Les Nécrons n'ont pas de Vaisseaux assez rapides pour quitter le sol de leur planète sans charger pendant des heures ! Tous les rapports son unanimes là-dessus ! Aucun des sept affrontements rapportés par la flotte n'a différé du précédent à ce sujet ! Ils n'ont pas put le récupérer aussi vite !
-
Ce ne sont pas les Nécrons qui nous l'ont pris, dit Azador d'une voix qui transpirait la rage la plus noire. regardez.Wulfric vit un écran s'allumer dans l'habitacle, leur montrant des images et faisant défiler des flux de données qu'il ne comprit pas tout de suite.
- Un... Un vaisseau est ici ? dit-il en voyant un terrible bâtiment, grand comme une Barge de Bataille Space Marine apparaître à l'écran. C'est... Je ne reconnais pas...
-
Peu de monde le peut, dit Azador d'un ton toujours aussi sinistre,
les Arches Mechanicus sont terriblement rares, et excessivement anciennes. Je connais celui-ci pour l'avoir parcouru il y a... longtemps. C'est un Space Hulk remis en état, d'après les estimations qui ont pu en être faites, il date de...- Peu m'importe ! trancha sèchement Wulfric, rapidement approuvé par Ambrosius. Qu'est-ce que cette antiquité fout là ?! Qui est à son commandement ?! Pourquoi interfère-t-il avec la chambre militante de l'Inquisition ? Ce sont des traîtres ?!
-
Il a appartenu à l'Explorator Archimagos Veneratus du nom de Calixtène Zérova. Mort en quête d'un SCS il y a moins d'une décennie. Son second a pris le relais. Je l'ai connu quand il n'était qu'un Techno-Prêtre de haut rang. Il a servi un moment sous l'autorité du Seigneur Inquisiteur Vambrane. Rival de toujours de Talaran. Wulfric fit le point, le plus posément possible, tentant de ne pas laisser la rage le consumer.
Depuis de nombreuses années qu'il servait, il savait que les différents inquisiteurs pouvaient entrer en conflit, parfois même directement. Mais deux Seigneurs Inquisiteurs en guerre ouverte au point d'interférer dans une mission donnée à la Deathwacth, c'était du jamais vu, même pour lui. Et si cet importun qui venait leur voler le fruit de tant d'efforts et de sacrifices s'était assuré les services d'un Explorator Archimagos, la lutte promettait d'être abominablement compliquée.
- Où sont les autres ? demanda Ambrosius.
-
Nolt et Gregor sont montés dans l'Aquila avec moi tout à l'heure, dit simplement Azador.
Sandro et Ryanor ont tenu à assurer la sécurité du colis jusqu'au bout et sont montés dans l'Arvus. Elle a été interceptée.- Ils sont... La-dedans ? demanda Wulfric en regardant l'holopic de l'immense vaisseau sur son écran.
-
Oui, capitaine. Ils sont la-dedans.