Le document était marqué du sceau officiel dont Azador disposait pour marquer l’autorité due à sa fonction.
Sur le bureau, divers documents étaient empilés, entassés, démontrant que le jeune inquisiteur encore convalescent n’accordait qu’une importance très limitée au rangement de la paperasse.
- C’est une erreur, répéta simplement son ancien camarade, l’interrogateur Friga.
- Probablement, concéda Azador en remerciant d’un signe de tête celui qui avait été son mentor et compagnon pendant dix ans, avant que Talaran ne réclame de l’avoir sous son autorité directe pour en faire un interrogateur à son tour.
- Et malgré tout tu t’entêtes.
- C’est le meilleur…
- Beaucoup d’autres égalent ses états de service.
- Les « officiels » peut-être, mais tu sais aussi bien que moi que ce type a un tableau de chasse illégal proprement exceptionnel.
- Un assassin, appelé « fou dangereux » par tous ceux qui l’ont fréquenté plus d’une journée ; un type qui n’a jamais considéré le travail en équipe que comme un frein à sa « créativité » ; un psyker s’est mis à
sangloter juste après l’avoir regardé dans les yeux !
- C’est le meilleur, répéta Azador. Et vu ce qui nous attend je ne peux pas me permettre de prendre moins. Je te remercie de m’avoir laissé accéder à tes archives pénales.
- Ne me remercie pas : tu vas regretter ce choix, à n’en pas douter…
Friga quitta la pièce médicalisée qui ressemblait de plus en plus à un bureau de l’administratum après un bombardement, secouant la tête. La porte coulissa mais il s’arrêta avant de la franchir.
- Une seule chose, amorça-t-il avant de tourner la tête en direction d’Azador.
- Je t’écoute, répondit l’inquisiteur sans lever les yeux de ses papiers.
- Une seule chose me soulage dans cette affaire : vous n’avez aucune chance. La perte de cette ordure qui va t’accompagner n’est donc qu’une question de temps. Revenir sur son exécution ne lui donne qu’un sursis.
- J’en prends bonne note, répondit Azador avec un sourire sinistre.
Il ne leva pas les yeux quand son ami franchit la porte de la pièce.
***
Le couloir de la mort était une chose particulièrement standardisée dans l’Imperium. Probablement parce qu’il n’y avait pratiquement pas un seul monde qui n’en avait pas un. Ils se ressemblaient tous : un couloir de cellules réservées aux condamnés à mort, menant en ligne droite vers une cabine automatisé disposant de plus d’une soixantaine de façons de mettre fin à une existence. Certaines rapides et sans douleurs excessives, qui ne constituaient clairement pas la majorité. Le couloir était parcouru de vapeurs trahissant les besoins en système de refroidissement de certaines technologies présentes, ce qui plongeait le lieu dans une permanente atmosphère d’humidité malsaine. Cela importait peu : les prisonniers n’en avaient plus pour longtemps.
Le gardien de l’arbites avança avec un sourire narquois devant la cellule, poussant le bouton permettant aux sons d’arriver jusqu’à son occupant.
- C’est pour aujourd’hui, dit-il avec une satisfaction profonde qui pouvait s’entendre même après que sa voix eut été déformée par le micro de piètre qualité.
- Oui, répondit le prisonnier en souriant, comme s’ils étaient deux amis plaisantant ensembles.
- Je vais être aux premières loges, continua le gardien, souriant d’un air cruel. J’ignore quel type de méthode a été décidé pour se débarrasser de toi, puisque ton procès a été tenu secret. Mais en tant que gardien je serais là pour assurer la sécurité de l’opération. Je vais te voir agoniser, Furius !
- Oui ! répéta l’intéressé avec un enthousiasme qui désarçonna le gardien quelques instants. J’y compte bien : il doit y avoir de nombreuses personnes à ma fête ! C’est mon grand moment, sais-tu ?!
- Pauvre malade, jura le gardien en grimaçant. Je prie pour que l’Empereur t’ai accordé une place spéciale parmi les horreurs de l’Immaterium.
- Il l’a fait ! cria le prisonnier extatique. Bien sûr qu’il l’a fait ! J’accompli sa volonté, et l’Empereur m’aime ! Tu m’entends, gardien ?! L’Empereur m’aime !
Celui-ci c’était déjà éloigné. Il n’y avait plus qu’une heure avant l’exécution.
***
La salle était comble. Quatre gardes d’élite, un maître bourreau, deux scriptes, trois magistrats et un juge des légions pénales. Des serviteurs lobotomisés gardaient également un œil sur le prisonnier relié à son fauteuil par des sangles métalliques fermées sous l’impulsion d’un verrou magnétique à haute densité.
Tout le monde affichait un air neutre et procédurier, à l’exception d’un des gardiens qui trahissait une impatience difficilement contenue.
Le clignotement régulier des diodes des machines automatisées semblait témoigner d’une totale indifférence de la part du Dieu-Machine envers cet individu qui serait bientôt sa victime : en effet, il avait été décidé qu’il serait démembré vif par des bras mécaniques sous contrôle d’un technoprêtre situé dans une pièce adjacente.
- Faratelnor Grimeden, dit « Furius », citoyen impérial recruté dans le corps d’élite des Elus de Karadine. Vos faits d’arme exceptionnels vous ont valu les honneurs de la Garde Impériale, la reconnaissance officielle de vos pairs et un grade de lieutenant auquel vous avez fait honneur. Vos compétences de tireur d’élite vous ont permis d’éliminer 873 cibles dont 724 confirmées parmi lesquelles 331 étaient déclarées « prioritaires ». Ce tableau de chasse exceptionnel en seulement deux ans n’a néanmoins aucune incidence sur la sanction décidée par l’autorité du Commissariat Impérial : vous vous êtes rendu coupable d’actes déments impardonnables aux yeux de notre Empereur aimé de tous. Piège à l’explosif d’une tour d’habitation ; assassinat du général de brigade Endolon, massacre de civils dans les zones d’évacuation…
- Vous oubliez l’incendie des archives de Vermillo, l’empoisonnement des rations des Catachans sur Felgor V et le fait que j’ai pissé dans la gourde du colonel, tout ça le même jour ! le coupa le prisonnier visiblement amusé par ces souvenirs. J’ai encore beaucoup d’autres évènements amusants en mémoire, comme le…
La décharge électrique qui jaillit de son collier et de multiples bracelets le fit taire. La douleur avait été étudiée pour être assez intense pour bloquer la mâchoire du condamné et l’empêcher de hurler. Il se tendit sans un son sur son siège métallique, puis s’affaissa, assez lucide pour voir de la vapeur lui sortir de la bouche.
- Votre nom, titre, et existence sont désormais rayés des archives impériales à tout jamais. Nul ne saura que vous avez seulement jamais existé. Vos quarante jours de cavale ayant donné toutes les peines du monde à nos agents de justice il a été décidé que l’opération commencerait par les jambes. Nous pouvons procéder.
- Ça va être marrant, se moqua Furius en regardant la machine fixée au plafond qui s’approchait de lui, les bras mécaniques commençant à s’agiter.
Il fixait avec une passion malsaine la mécanique fixée au plafond qui lui faisait face, attaché à la table située en-dessous, les bras et les jambes en croix. Les bras de la machine étaient l’incarnation même de la menace : l’acier avait été peint en noir, les diodes clignotantes alternaient entre un vert maladif et un rouge embrasé ; çà et là un angle inutilement tranchant soulignait l’aspect arachnoïde et agressif du monstre mécanique. Et ils s’approchèrent, s’approchèrent encore, jusqu’à ne plus à être qu’à une distance laissant déjà imaginer le massacre qu’ils allaient commettre avec une précision certaine.
La douleur ne vint pas ; jamais.
Les bras s’arrêtèrent près, tout près de lui, juste assez pour que la première pince ait fait couler un minuscule filet de sang. La lumière s’éteignit intégralement, et les lumiglobes de secours ne s’allumèrent pas, laissant la pièce dans une pénombre totale et absolue. Tous les occupants étaient comme aveugles.
- Techno-adepte Kadrissian ! Rugit le juge, Que signifie…
- Perte complète des contrôles mécaniques.
- Impossible ! On ne peut pas pirater une prison de haute sécurité !
- Confirmation. Piratage accessibles uniquement aux plus hautes autorités. Codes surpassés. Confirmation d’une présence dépositaire des meilleurs accès. Exécution : en attente.
- Que… Mais qui…
-Faratelnor Grimeden viens officiellement d’être exécuté, annonça une voix sombre au timbre profond. Comme cela a été annoncé, son nom et son existence sont rayés des archives impériales ; son corps va-t-être récupéré. Veuillez rester en place.
La voix avait résonné dans toute la pièce, preuve que les hauts parleurs servant habituellement aux sirènes d’alerte avaient eux aussi été récupérés par un niveau de contrôle supérieur. Il y eut un grand bruit d’origine mécanique, puis la lumière revint ; le prisonnier n’était plus sur la table d’exécution, sur laquelle se trouvait une grande quantité de sang.
- Quelle est cette interférence odieuse avec la justice impériale ?! Rugit le juge. Je demande à ce qu’une explication immédiate soit donnée, sous peine de…
Un homme seul entra dans la pièce. L’assemblée médusée le regarda sans mot dire, avancer d’un pas qui semblait faussement lourd. Une habileté martiale d’exception se devinait dans sa démarche.
- Nous regrettons d’avoir dû interférer avec votre autorité. Il est simplement apparut que les choses devaient être faites d’une certaine façon et pas d’une autre. Je sais que cela ne posera pas de problème.
Le juge voulait répondre, les gardes voulaient se lever, les scriptes voulaient demander de nouvelles instructions, et l’agent du Mechnicus protester. Personne ne bougea un cil. L’homme portait un sceau inquisitorial sur un anneau à la main droite.
Sans attendre de réponse, l’agent se retourna et quitta la pièce, de son pas faussement lourd et assuré.
- Qu’est-il advenu de…
- Le dénommé « Furius » est
officiellement mort exécuté. Dois-je le répéter une troisième fois ?
- Ce ne sera pas nécessaire, répondit le juge sans émettre la moindre protestation. L’Empereur vous garde.
- L’Empereur soit avec vous. En
toutes circonstances.
Puis il partit, et il fallut plusieurs minutes pour que quiconque ose prendre la parole.
- Que vient-il de se passer ? osa finalement demander l’arbites en charge de la supervision. Pourquoi n’avons-nous pas été prévenus ? Qu’est-ce que l’Inquisition…
- Ces questions sont inutiles, répliqua le juge sans attendre ; inutiles et dangereuses. Vous avez vu l’équipement de cet homme ? S’il ne vous a rien évoqué tel n’est pas mon cas. Le rapport ne mentionnera absolument rien d’inhabituel, les données de l’enregistrement seront dûment vérifiées avant leur apport aux archives pénales, et le témoignage de chacun devra faire l’objet d’une surveillance suivie. Cela est-il bien clair pour tout le monde ?
Chacune des personnes présentes dans la pièce acquiesça.
Partagé entre la plus sombre rage et la terreur la plus glaçante, le gardien de l’arbites qui s’était tant réjoui tentant de contenir un malaise grandissant, alors que résonnait dans son crâne les paroles du dément.
« L’Empereur m’aime. Et il m’a réservé une place spéciale ! » ***
Le caisson de confinement s’ouvrir dans un bruit de pression pneumatique également remarquable aux projections de vapeurs surgissant des orifices prévus à cet effet.
Furius en sortit, lentement, calmement, un sourire malsain figé sur un visage qui semblait rire de l’univers entier. Presque nu, recouvert de systèmes de contrôle électrique destinés à le maîtriser placés sur une dizaine de zones de son corps, il avait malgré tout l’air impressionnant.
Il fixa intensément celui-qui était venu l’arracher au couloir de la mort, détaillant son équipement et les sceaux qu’il y avait sur son armure.
Ses cheveux noirs sales et trempés lui collaient au visage et ses yeux verts qui auraient pu être beaux restaient fixés sur l’agent impérial comme s’il était celui qui avait été en position de force. Il éclata de rire sans raison apparente, et un long, très long moment s’écoula avant qu’il ne retrouve son souffle. Celui qui se tenait face à lui avait gardé une attitude absolument neutre, et sans aucun doute méprisante.
Furius finit par retrouver ce qui ressemblait le plus à du calme chez lui, avant de finalement demander :
- Sabotage, ou assassinat, messire ?
- Tu le sauras bien assez tôt.
De concert, ils entrèrent dans la navette qui les emmena sur l’Emperor’s Scalpel, laissant derrière eux un monde sans intérêt, et une condamnation méritée mille fois inassouvie, sacrifiée sur l’autel de la nécessité.
Salut à tous ! Je met le temps à écrire en ce moment et plusieurs personnes parmi vous auront sans doute remarqué que les chapitres sont plus courts que d'habitude mais c'est normal : chaque chapitre pour le début de cette nouvelle histoire sert à introduire un personnage et pour le moment je ne peux pas faire un chapitre au format habituel avec ces seules scènes d'exposition, mais pour ceux que ça inquiéterait, ne vous inquiétez pas. Dès que l'histoire sera lancée pour de bon je reviendrais au format de 15 pages habituel.
Un petit moment sera nécessaire avant le prochain chapitre mais je promets d'essayer d'être plus régulier. J'espère que vous apprécierez ce chapitre qui a mis tant de temps à sortir. A bientôt !