Il haletait bruyamment, signe incontestable qu’il était arrivé au terme de ses forces.
Tout autour de lui, une marée vivante, vibrante d'ennemis agglomérés comme un tout, myriade de gouttes d'eaux refusant de se mélanger en une unique vague, lui présentait mille visages semblables, féroces, peut-être haineux. Tentacules, griffes, bras, dents et crocs, canons d'acide, lames de chitines et d'ossement durs comme le diamant... Aucun d'entre eux ne l'approchait.
La marée grouillante restait immobile, mais pas silencieuse.
Des dizaines de grognements, de profonds grognements de gorges boursoufflées par des gènes immondes, ainsi que le raclement de centaines de griffes sur le sol pourtant spongieux troublaient le silence relatif de cette salle empuantie par la mort, les gaz et la nature même de ses habitants.
Même un néophyte en matière de xénos aurait pu deviner qu'il n'y avait là nulle communication entre les aliens ; ces bruits étaient purement animaux.
D'une main ferme et assurée, Ambrosius fit tournoyer sa lame en direction des moins hésitants, faisant reculer les créatures qui bondissaient en arrière puis en avant, comme indécises entre la peur et la rage.
Nul ne pouvait croire ce qui venait de se passer.
***
Quelques minutes plus tôt, Les soldats en armure silencieux comme des spectres en sursis, délivraient leurs tirs avec l'efficacité froide et mécanique de ceux qui ont perdus espoir depuis bien des années. Il n'y avait aucune passion guerrière dans leur façon de faire, rien qu'une recherche d'efficacité absolue, jusqu'à ce qu'ils aient atteint leur objectif, ou bien qu'ils aient eux-mêmes été tués. Pour autant, ce n'était pas une bataille dépourvue d'émotion.
Certains plus que d'autres avaient peur.
Mais cette peur était perçue avec un détachement certain de la part des gardes impériaux. La peur était pour ces vétérans une vieille compagne, une présence permanente, comme une vieille douleur qui refuse de partir tout en ayant la politesse de ne pas se faire trop insupportable.
Aucun d'entre eux n'avait l'espoir d'en sortir vivant. Ils faisaient ce qu'ils avaient à faire, essayant de ne pas penser à leurs regrets.
Pauslon pensait à ses cigarettes données à un gars d'un autre peloton qui ne s'en était pas sorti.
Dariv pensait à une prostituée à qui il n'avait pas osé demander de se déguiser en nonne de l'ordre de Sainte Célestine.
Arriotto pensait au fond de la bouteille d'Amasec qu'il avait voulu laisser vieillir quelques années de plus et qu'il ne pourrait plus jamais boire.
Carriguet aurait aimé botter les fesses de ce gars du régiment des Croisés du Gargant qui avait été si condescendant avec lui, plutôt que de craindre des mesures disciplinaires.
Guylame regrettait d'avoir violé cette femme après avoir fumé ce truc pas net.
Tous avaient leur part de regrets, ou de remords, oui, mais tous étaient assez intelligents et conscients de leur situation pour savoir que cela ne changerait rien à leur affaire. On ne survit pas à un abordage d'un vaisseau-mère Tyranide. Pas plus qu'on ne roule une galoche à un Boss Ork en s'attendant à du romantisme.
Les tirs étaient maîtrisés et disciplinés, les grenades utilisées avec une efficace parcimonie, les rares armes lourdes correctement défendues... Il n'y avait pas de doute ; l'arrivée des gardes impériaux avait sûrement fait gagner quelques minutes au Marines. Ils empêchaient que leur minuscule retranchement ne soit totalement submergé, pour un laps de temps ridicule, certes, mais probablement assez pour que leur joli joujou leur permette d'adresser un retentissant adieu aux insectes.
Le colonel en personne se chargeait de coordonner tout ça, accueillant parfois un filou plus rapide que les autres d'un coup de son joli rasoir énergétique qu'il avait tant aimé brandir comme symbole de sa putain d'autorité.
Placés aux points de défense clefs (les plus faibles, en somme), les anges de l'Empereur faisaient montre de leurs prouesses martiales avec un art dont ils n'avaient eux-mêmes pas conscience.
Les soldats, simples humains, mortels parmi les mortels, n'avaient pas le loisir de perdre une moitié de seconde à faire autre chose que tirer sur l'ennemi, encore et encore. S'arrêter pour tourner la tête et voir les Marines à l’œuvre était tentant, mais c'était aussi la garantie de raccourcir très radicalement son espérance de vie. Tout devait être géré, coordonné à la perfection. Pas une seconde ne pouvait être consacrée à autre chose que gérer l'arrivée permanente de ces monstruosités. Surtout à présent que les Nécrons n'étaient plus là.
***
Tenaka.
Tenaka des Mantis Warriors.
Il avait fait de la haine furieuse sa méthode privilégiée au corps à corps. Un coup unique et parfait : l'efficacité absolue couplée à la rage la plus aveugle.
Une méthode efficace pour un duelliste.
Un suicide au sein de cet abominable merdier.
Son entrainement auprès de la Deathwatch, avant même qu'ils ne partent en mission, l'avait changé. Sa façon de faire avait dû composer avec des doctrines qu'il avait voulu rejeter de tout son être. A présent plus que jamais, il comprenait dans son âme et sa chair à quel point cette expérience était précieuse et unique.
Un ennemi si supérieur en nombre, mais tellement plus résistant qu'une simple horde humaine, tellement plus aveugle qu'une mer d'orks... On ne pouvait pas viser le cœur d'une tempête avec un unique coup parfait. Il fallait la disperser, rafale par rafale jusqu'à ce qu'elle soit à bout de souffle.
Ses coups étaient imparfaits, et de cette imperfection venait la survie.
De son épée tronçonneuse, il mutilait ses adversaires, en laissant une grande partie en vie, mais immobiles, gênants les autres dans leur avancée, accumulant devant lui un mur de cadavres déchiquetés lui servant de couverts contre les tirs et permettant aux gardes impériaux des répliques concentrés dans des directions plus nettes, car ils n'avaient plus à s'inquiéter de sa position à lui.
Sa méthode habituelle n'était pas viable ; le comprendre l'avait rendu humble.
La méthode de son chapitre, et même celles du Grand Khan en général, n'auraient pas été viables non-plus dans cette situation ; le comprendre le rendait exceptionnel.
Il était Tenaka, et il était plus ; il était un Mantis Warrior, et il était la DeathWatch.
Et la tête nucléaire était encore loin d'être armée...
***
Ryanor.
Le maître de l'attaque chirurgicale ; celui qui décapite le serpent avant même qu'il n'ait pensé à mordre.
Un spectre, génie absolu des opérations discrètes, même pour un chapitre issu de la Raven Guard.
Mais là où les Raptors étaient passés maîtres dans l'art de s'adapter, de tirer profit de chaque moyen à leur disposition, de ne pas appliquer bêtement le Codex Astartes en régurgitant ses doctrines sans réfléchir à la situation, Ryanor avait toujours eu une faille. Une fêlure dans l'armure de son esprit...
Il haïssait les conflits de longue durée.
Pressé par un tempérament embrasé, il avait toujours été victime d'une volonté de pouvoir tout résoudre seul, pour rapidement pouvoir partir vers d’autres théâtres d’opération ; une incontestable marque d’orgueil.
Il avait passé tant de temps à rechercher la façon de porter le coup parfait, comme le faisait Tenaka… Une explication quant à leur bonne entente. s'il avait consacré autant de temps à rechercher la perfection à la fois dans ses capacités musculaires que dans son art de la discrétion, c'est parce qu'il souhaitait avant tout pouvoir régler les conflits qu'il serait amené à vivre avec célérité.
Combien de WAAAGH détruites par la mort d'un unique chef ? Combien de traîtres hérétiques désemparés par la perte de leur faux prophète ? Combien de planètes délivrées par la perte d'une unique forteresse ?!
Ryanor avait été formé à un niveau d'excellence qui faisait honneur à son chapitre, mais il avait échoué dans une quête pourtant simple : ne pas confondre une saine impétuosité et une dangereuse impatience.
Il le réalisait à présent plus que jamais.
Avoir été prêt à donner sa vie sans la moindre hésitation n'était pas ce qui trahissait cette erreur de jugement de sa part. Tous les Space Marines étaient prêts à consentir ce sacrifice.
Non.
Ce qui démontrait cet état de fait était son refus de comprendre que les choses, parfois, ne
pouvaient pas être accomplies avec célérité.
L'Ennemi Intérieur, l'hérétique, le corrompu, le dévot des Dieux Noirs... Tant qu'il y aurait des êtres humains, il y aurait des traitres ; une lutte qui n'aurait donc jamais de fin.
Les Orks, les Tyranides... Leur seul nombre rendait impossible d'espérer la victoire avant plusieurs millénaires pour les plus optimistes...
Et de nouvelles menaces émergeaient sans-cesse... Les Taus, les Nécrons qui s'éveillaient peu à peu, les Eldars toujours dans l'ombre...
Ryanor avait toujours eu en lui la marque de ce qui entraine le pire et le meilleur : au plus profond de la psyché de ce qui avait fait de lui un être humain avant que les Astartes ne fassent de lui un des leurs, il avait été un idéaliste. Ce trait de caractère avait muté chez lui depuis bien longtemps pour devenir cet orgueil animé par la rage et la haine. L'ennemi ne devait pas être seulement combattu, il devait être annihilé ! Réduit en poussière et abandonné à l'oubli !
Et il savait pertinemment que ce n'était pas possible...
Entouré d'Hormagaunts, abattant ses griffes éclairs à une vitesse ahurissante, il était plongé dans l'incarnation de tout ce qui donnait tort à sa philosophie.
La lutte n'avait
pas de fin. L'ennemi serait toujours là, arrivant à l'infini jusqu'à ce que ses forces, ses armes, son talent et ses capacités supérieures n'aient pas la moindre importance.
Il aurait pu abandonner et se laisser mourir, réalisant à quel point cela aurait fait peu de différence pour l'Imperium, cette galaxie... cet univers entier.
Il déchira un torse de plus avant d'enfoncer une carapace pour mieux décapiter un adversaire, puis en renverser trois autres. Il hurlait comme un bête, et pourtant ses pensées n'avaient jamais été aussi nettes.
L'important... C'est la lutte... Un corps tomba, déchiqueté, sur celui d'un alien qui avait tenté de se jeter sur lui par la droite.
Des préceptes qui avaient sonnés creux et vides de sens toute sa vie lui apparaissaient comme porteur de vérités simples mais incontestables à présent.
Sans pureté, pas de corruption possible.
Sans lumière, plus de ténèbres.
Sans mal, plus de sainteté.Sans humanité...
Une galaxie plus silencieuse, et pourtant, dont les hurlements seraient tellement plus perçants...
Jamais !
Au sein d'un enfer de chair et d'os, l'amour de la lutte pour l'humanité de Ryanor se muait en une rage
saine.
A chaque décharge du peloton impérial, discipliné et prêt au sacrifice, le Raptor hurlait pour lui-même "Ils en valent la peine !"
L'Imperium, l'humanité, son chapitre...
- La lutte ! Hurla -t-il sans se rendre compte qu'il faisait plus que penser. LA LUTTE EN VAUT LA PEINE !
Et les Tyranides arrivaient, encore et encore, sans jamais devoir en finir.
***
- Débordement par le tribord sur un angle de...
- Je sais lire un relevé, lieutenant ! Activez les lances navales !
- Le seuil de surchauffe est...
- JE SAIS ! Ouvrez le feu maintenant !
La déflagration interne qui suivit peu après secoua le pont de commandement du Invincible Radiance comme s'ils avaient eux-même essuyé une salve de plein fouet. Les lumières crépitèrent, certaines rendant l'âme, tandis que les voyants d'alerte s'allumaient à un tel rythme que le clignotement intempestif donnait à cette scène d'apocalypse des airs de fête infernale. Plusieurs officiers furent jetés au sol assez violemment pour se casser quelques côtes.
- Cible... détruite à quatre-vingt-sept pourcent. Impossibilité de répliquer.
- Parfait ! Grommela le commodore Asterion, encore deux ou trois mille coups comme celui-là et on s'en sortira peut-être.
- Nos champs électrique ont tous surchauffé entre les ponts 17, 23, 55 et... Nous n'avons plus de champs de boucliers et les lances navales sont entièrement hors service...
- Seuls les moteurs et la cafetière fonctionnent quoi, gagnez du temps Arriston !
- Doit-on lancer une manœuvre d'évitement ?
- Pour aller où bon sang ?! Là où il n'y a pas de carcasse il y a des ennemis valides et nos alliés nous collent au cul de façon à ce que faire machine arrière ne soit même plus une option ! Et je ne te parle même pas du champ d'astéroïdes ! J'aurais jamais dû accepter d'engager cette bataille !
- On vous a promis le pardon pour dix ans passés à piller et commander la flibuste.
- Merveilleux ! On pourra graver sur ma tombe que je me suis racheté en crevant ! Va m'ouvrir une bouteille de crémant Valordin, pareille nouvelle se fête !
- Capitaine... Si on ne peut ni tirer ni éviter ni reculer...
- Je sais, foutreciel de créfiasse ! Je sais !!!
- Alors que fait-on ?
Le commodore autoproclamé des quelques vaisseaux pirates présents songea qu'il aurait vraiment bien bu cette bouteille de vin pétillant de Valordin Prima. Mais cela non-plus n'était pas une option ; il avait bu la dernière avant l'engagement des combats.
- Que disent les magos avec l'alimentation ?
L'officier consulta sa tablette de donnée, la remettant à jour régulièrement malgré la noosphère terriblement malmenée, puis répondit.
- Boucliers actifs dans dix minutes si tout va bien. Moteurs efficaces à quatre-vingt huit pourcent. Tourelles... Laissez tomber les tourelles. Lances navales...
- Insuffisantes pour alimenter un briquet ! cracha le flibustier en arrachant la tablette de données des mains de son second. Bon, puisqu'il y a qu'un truc qui marche... On va s'en servir à fond !
***
- Qu'est-ce font ces cinglés ?! hurla le capitaine d'un croiseur léger couvrant le flanc du Invincible Radiance. Les Vaisseaux Nécrons se désengagent, et eux se ruent à l'avant de la flotte tout seul ?!
- Il... Il s'apprêtent à éperonner un croiseur Tyranide de classe Devourer ! Apprêtez vous à encaisser le choc des débris !
- Avec quoi ?! Les boucliers sont HS !
- CRAMPONNEZ VOUS A CE QUE VOUS POUVEZ !
***
- La flotte Nécron reprend de la vitesse, seigneur amiral. Le Capitaine Dac'Tyr nous a fait transmettre l'ordre de les ignorer tant qu'ils font mine de partir. Ils ont essuyé des pertes sévères mais... Conjuguée à nos efforts, l'action de ces abominations a réduit en miettes les deux tiers de la flotte Tyranide.
- Combien de temps ?
- Ils sont entrés sur le champ de bataille il y a... cinquante sept minutes.
- Moins d'une heure, murmura Liuke... Ils sont ici depuis moins d'une heure et ils on fait plus de dégât que ce qu'aurait fait le double de notre flotte, le tout avec des opérations suicidaires dont leur vaisseaux sont ressortis avec la peinture à peine abîmée...
- Sauf votre respect mon amiral, vous exagérez. Ils ont perdu deux Vaisseaux-Tombe dans l'opération, sans parler des autre.
- Ils l'ont fait sciemment ! Vous croyez qu'ils se sentent menacés par nous ? La moitié de notre flotte est bonne pour devenir un cimetière spatial, l'autre va rester au mouillage dans les docks de réparation pendant des mois pour les plus chanceux ! Et s'ils avaient pris leur temps pour s'attaquer à l'essaim... S'ils n'avaient pas menés ces opérations kamikazes, ils auraient pu jouer au chat et à la souris avec les insectes pendant un sacré bout de temps sans le moindre problème ! Le plan du toutou de Talaran a parfaitement fonctionné, ça oui ! Il a éveillé une menace pire que l'ancienne !
- Il ne risque plus d'éveiller quoi que ce soit à présent, sauf votre respect amiral.
- Bon débarras. Qu'en est-il du peloton Executioner ?
- Ceux qui ont accepté la mission suicide ? Aucune communication ne leur parvient depuis qu'ils ont franchis la partie 12 du segment Alpha. Aucune explosion à comptabiliser dans les rangs ennemis non-plus.
- Ce n'est pas comme si j'avais attendu grand-chose de ce petit colonel de toute façon.
- Non amiral.
- Les "piétons"... Jamais eu grand chose à en tirer. C'est la Flotte Impériale qui fait vivre la volonté de l'Empereur avant tout.
- Oui amiral.
- Bien... Les vaisseaux Nécrons prennent de la vitesse. Ils ne...
- Tirs de Rayons à Particules ! Les Nécrons nous atta...
***
Un calcul de plus. Un calcul permanent.
Il restait immobile comme une statue de fer, attendant que la mécarachnide extrait son maître de son corps de Destroyer défoncé qui ne parvenait pas à se reformer. Une décharge acide et plusieurs coups du Maître des Essaims avaient mis à mal le corps pourtant formidablement résistant du chef de la dynastie des Deux Temples. Les champs magnético-électriques générés par les pinces de la mécarachnide émettaient une lueur verdâtre accentuant celle des yeux du Seigneur Destroyer.
Cela donnait l'impression que son regard était plus intense, empli de colère.
C'était faux. Ces émotions n'étaient même plus le fantôme d'un souvenir pour eux.
Cette impression était pourtant renforcée par le fait que son émetteur-récepteur de flux de données quantiques était lui aussi endommagé, le forçant à communiquer de façon verbale avec ses subordonnés.
- Capture... Inattendue.
Nul besoin d'en dire plus. Les Nécrons de cette dynastie allaient droit au but en toute chose.
- Analyse. Êtres inférieurs. Niveau de technologie : Bas. Nombre : Élevé. Nombre d'engagements...
- Stop.
C'était un ordre, une menace, et une indication en un même mot. Le seigneur Nécron se tut avant qu'il n'eut finit d'être prononcé.
- Analyse des données : impertinentes. Travail de dynaste. Travail de Cryptek. Stratèges faits pour utilisation ultérieures de ces analyses.
- Confirmation, répondit-il sans bouger d'un micron. Attente d'une question relevant d'un protocole spécifique.
Des piliers frappèrent le sol comme si des fragments du plafond avaient déclenché un piège, encerclant le seigneur nécron fraichement libéré. Il était pris dans un jeu de champs magnétiques et quantiques mélangés. Ses fonctions motrices venaient d'être mises à mort au sein même de son esprit vide.
- Émission critique sur formulation d'être supérieur. Volonté manifeste de faire confrontations de protocoles logico-tactiques. Menace autoritaire !
Nulle colère là encore : mais ce qui avait fait des Nécrontyrs des êtres vivants il y avait de cela plusieurs éons continuait de faire partie de leur programmation, absence d'âme ou pas. La moindre sous-entendue d'un défi d'autorité pouvait entrainer des conséquences drastiques, en particulier pour des êtres ne pouvant ni souffrir, ni mourir...
- Reformulation. Module de données complémentaires requis pour réponse claire et exhaustive. Optimisation du partage des données. Volonté d'efficacité accrue. Soumission militaire : acquise. Unique objectif : Moisson.
Deux mécarachnides s'approchèrent alors que les piliers remontaient au plafond. Elles lui arrachèrent les jambes sans provoquer le moindre dégât visible.
- Nécessité de mise à l'épreuve des protocoles tactiques, répondit le Seigneur Destroyer. Échec : inacceptable. Caste des commandeurs : irremplaçable. Vaisseaux : remplaçables. Procédures d'engagement. Calcul. Eveil de l’œil...
A proprement parler il s'agissait d'un nom propre.
Depuis la passerelle de commandement, un rideau d'ombre se déposa parmi les lumières émises par les yeux des divers officiers métalliques présents. Une concentration, vaguement sphérique mais sans-cesse mouvante se concentrait à l'exact centre de la pièce, pour en aspirer la lumière. Un néant, affamé d'existence.
Au cœur de sa programmation, au plus profond des tréfonds des circuits composant son esprit, le seigneur nécron ne pouvait ressentir quoi que ce soit. C'était une impossibilité physique, logique, brute. Pourtant, quand la voix du C'tan qui avait avalé son âme se fit entendre, la réminiscence d'une souffrance impossible à égaler se rappela à lui, juste assez longtemps pour que la notion d'angoisse prenne une signification particulière.
- Prouve... murmura une voix hurlante et glacée, alors que l'on plaçait son corps sur une console de commandement du vaisseau, afin qu'il prenne le contrôle de la flotte. Prouve que tu sais encore moissonner...***
- Où en sont les Tyranides ?!
- Ils sont sur le point de détruire de Righteous Crusader et s'en prennent à quiconque les approche avec leurs batteries pyro-acides. Eux et les Nécrons se sont fait vraiment très mal.
- Poursuivent-ils les Nécrons qui se désengagent ?
- Certains le font, des manœuvres de harcèlement presque classiques... Leurs attaques contre notre armada ont très fortement diminuées, mais nous n'avons plus beaucoup de ressources.
- Alors si les Nécrons s'y mettent aussi c'est la fin, conclut sobrement l'amiral Liuke dont la tempe saignait abondamment après le choc reçu quand le vaisseau avait reçu un tir de Foudre Solaire.
- Le Capitaine Dac'Tyr nous envoie de nouveaux ordres de formations. Il souhaite...
- Au diable les souhaits des fils de Nocturne ! On ne peut pas faire front contre les deux menaces en même temps !
- Perte de contact avec le Terrible Truth, le Shinning Blade, et le Pride of Calixis ! Les Nécrons massacrent le flanc droit ! A ce rythme...
- A ce rythme nous finissons tous en poussière avant la fin de la journée. Oui. Boucliers ?
- Rétablis à quarante pourcent. De quoi encaisser une unique salve.
- Signaux multiples apparus en bordure depuis le point de saut Warp A17-42-6 ! Ils... Ils approchent à haute vélocité !
- Probablement des renforts, dit cyniquement Liuke.
- Un des signaux est... Par tous les... Cela fait la taille d'une barge de bataille !
- Et bientôt une Forteresse Noire en cadeau, murmura Liuke. Que disent leurs signatures ?
- Je... Les fréquences se brouillent ! Je n'ai...
Les écrans grésillants cessèrent de fonctionner, purement et simplement. Plus rien ne sembla fonctionner. La passerelle sombra dans un silence angoissé, jusqu'à ce que les écrans se rallument. Le grand "I" de l'inquisition s'y tenait en lieu et place de tous les indicateurs et autres radars.
L'amiral hurlait des ordres et s’apprêtait à étrangler le premier technicien venu lorsque les écrans retrouvèrent instantanément leurs affichages habituels. Moins de trois minutes s'étaient écoulées.
Les hauts parleurs s'activèrent sans qu'aucun ordre apparent n'eut été donné. Personne ne savait comment réagir.
-
Et bien, amiral Liuke. Il semblerait que j'arrive juste à temps. Adoptez la quatrième formation du code 67 avec le reste de votre flotte. Nous arrivons.- Qui... Mais... Qui vient donner des ordres à un Seigneur Amiral après avoir piraté son vaisseau ?! s'indigna le second de Liuke. C'est absolument inqualifiable !
- La ferme imbécile ! le reprit Liuke, sa voix tentant de contenir une authentique angoisse. On ne sait pas s'ils peuvent encore nous entendre !
- Mais enfin amiral...
- Agissez comme il a été ordonné, c'est une manœuvre de regroupement défensive complexe mais pertinente de toute façon, et les Nécrons poursuivent leur attaque.
Le lieutenant s'exécuta sans rien ajouter, conformément à sa formation, il n'avait pas à discuter les ordres.
***
Il avait passé toute sa vie conditionné à une obéissance aveugle dont il avait tiré force et fierté. Les supérieurs n'étaient pas à leur place pour rien ; ils avaient l'expérience de siècles de combats et portaient en eux les enseignements de Dorn et la philosophie de Sigismund.
Obéir était une marque d'honneur et de respect.
Bien entendu, les initiatives faisaient partie de la vie des Black Templars ; un officier pouvait mourir, laissant son escouade coupée des voix de communication, il fallait alors s'en tenir à sa formation et sa logique ; parfois son intuition.
Mais pour Ambrosius, le respect des supérieurs était une constante indispensable.
Aussi fut-il le premier étonné lorsqu'il s'élança à la rencontre du Maître des Essaims.
Wulfric lui avait ordonné de tenir sa position et d'aider à repousser les vagues de Tyranides. Tenir sa position. Un ordre simple. Un ordre dans ses cordes. Mais quand le seigneur Tyranide s'était élancé vers eux, défonçant une position d'arme lourde et réduisant en pulpe ses servants, Ambrosius avait vu que Wulfric voulait prendre la relève lui-même, mais il en avait été incapable, encerclé.
Son corps avait agit tout seul.
Il avait abattu sa large lame énergétique contre l'épée d'os issue du bras de l'énorme alien. Il en avait perdu trois sur les quatre que son corps arborait habituellement. Cela ne semblait pas le gêner outre mesure, mais la scène prenait des airs de duel.
Ambrosius n'était pas dupe : il disposait également d'une lame d'os sur son front, sans parler des dizaines de proéminences qui sortaient de ses articulations. Même sur une seule jambe, ce monstre aurait été une menace difficilement égalable. Le fait qu'il ait été affaibli lors des affrontements, victime de nombre de tirs perforants et des tentatives de Sandro et du Seigneur Destroyeur Nécron de venir à bout de lui ne semblait pas un instant le ralentir.
Le Black Templar suspectait même que cela n'avait fait que renforcer son agressivité, ce qui n'empêchait pas son regard ignoble de dégager une lueur glaciale et calculatrice.
L'épée du fils de Dorn s'abattit avec force, un coup brutal et sans grâce pensé pour écraser autant que trancher. La taille du monstre dispensait les passes d'arme subtiles. Le Maître des Essaims para de sa lame d'os avant de répliquer d'un revers de celle qu'il avait sur la tête, suivi d'un claquement de mâchoire qui aurait suffit à broyer l'armure énergétique. Amrbosius n'esquiva que d'un cheveu, et difficilement, gêné par les cadavres environnants et l'étonnante célérité du monstre pourtant blessé.
- Reviens ici tout de suite imbécile ! hurla Wulfric en terrassant un Guerrier Tyranide d'un revers de hache en écrasant le torse d'un autre d'un coup de pied particulièrement brutal.
- S'il enfonce la ligne humaine on sera débordé en moins de deux minutes et la minuterie n'est pas prête !
- Recule tout de suite et amène... Gnnnmph ! Mais crèves ! Amène-le dans ma direction !
- Vous êtes dans un couloir d'arrivée, vous n'arriverez jamais à tout gérer !
- Fais ce que je dis !
- NON !
Ambrosius tenta un coup horizontal afin de faucher une des jambes du mastodonte chitineux mais celui-ci sauta lourdement pour tenter de l'écraser, ce qui lui permit d'esquiver partiellement le coup qui ne fit que riper contre la chitine protégeant le membre. Profitant du choc sur le sol provoqué par son saut, le monstre envoya rouler le Space Marine d'un coup de patte qui manqua de peu de défoncer son plastron.
- Tu n'arriveras à rien, seul contre lui ! Recule !
- Fermez-là !
Un nouveau coup de son épée rebondit sur la carapace du monstre sans s'y enfoncer. La charge énergétique de l'épée avait été brisée. Il ignorait comment, et ça n'avait plus d'importance ; sa lame ne pourrait plus guère que lui servir à parer à présent.
Ambrosius bondit sur le côté et tenta un coup d'estoc dans lequel il mit toute sa force pour tenter d'arriver à atteindre un point vital, ou au moins handicapant pour la bête.
Sa lame se fendilla à l'impact contre la chitine.
Le Maître des Essaims fut à peine gêné quand il répliqua de sa dernière lame d'os, heureusement ébréchée elle aussi, écrasant le Black Templar au sol sous la force de l'impact. Coincé sous la patte du xénos,il ne pouvait plus que bouger qu'un bras. Celui qui était désarmé.
Les humains tiraient sans discontinuer sur la marée alien qui la chargeait et la harcelait de tirs acides en permanence ; ils ne tenaient bon que grâce aux autres Marines présents. Il n'y avait aucun aide à attendre ; où que ce soit.
La bête pencha son visage figé dans une grimace carnassière vers le casque d'Ambrosius, comme pour profiter du plaisir de saliver devant une proie impuissante. Des gouttes de salive acide tombèrent sur le haut du plastron pour commencer à doucement ronger la céramite. Ambrosius n'avait plus d'option ; plus d'arme...
Tournant la tête pour éviter qu'une goutte d'acide ne tombe sur la lentille de son casque, il aperçu le cadavre de Sandro qui gisait à quelques dizaines de mètres sur le sol, éjecté de la lame d'os sur laquelle il avait été empalé lors des combats. Sandro. Son...
Un hurlement abominable retentit lorsque Ambrosius se saisit du glaive énergétique du Blood Angel, toujours planté dans le flanc du monstre, pour le lui planter une nouvelle fois au même endroit, accentuant les dégâts infligés à son corps meurtri.
Il porta un autre coup, puis un autre, puis un autre, manquant d'éventrer la créature qui le frappa violemment sans parvenir à empêcher son bras de bouger.
La bête assit sa prise en s'appuyant de tout son poids sur le Black Templar et pencha sa tête en arrière, ignorant la douleur, pour lui porter un coup fatal de la lame d'os qu'il avait sur la tête.
Celle-ci abattit, partant droit à la rencontre du glaive. Celui-ci passa sous sa gorge moins bien protégée, traversa la mâchoire, puis rencontra le cerveau.
Ambrosius et sa victime se regardèrent un moment, dans une promesse muettement échangée, puis la vie quitta le regard du Maître des Essaims qui s'écroula lourdement.
Ambrosius se releva en se dégageant du cadavre. Les Tyranides étaient devenus comme fous, la plupart d'entre-eux commençant à adopter un comportement incohérent, se battant entre eux ou se jetant contre les murs, ou bien contre la ligne de défense humaine, au hasard, contre les cibles les plus proches. L'Esprit de la Ruche venait d'essuyer un sérieux revers.
Plusieurs xénos entouraient le fils de Dorn sans trop savoir comment s'y prendre pour l'attaquer.
Ambrosius les toisa ; la scène était presque calme.
Il y eut comme un flottement silencieux, que seul devait interrompre la voix triomphante du colonel Taros.
- Bombe armée ! Repliez-vous aux navettes !